BUJUMBURA, 26 juil (ABP) – « Permettre aux femmes d’avoir accès à la propriété foncière c’est leur permettre d’être économiquement indépendantes ». Ce sont des propos du Dr. Alexis Manirakiza professeur à l’Université du Burundi (UB), lundi le 25 juillet 2022 à Bujumbura, lors de la présentation de son étude intitulée « L’égal accès des femmes burundaises à la propriété foncière » qui a été commanditée par CDE-Great Lakes un Think Tank œuvrant au Burundi pour promouvoir la liberté économique comme solution à la pauvreté dans le cadre du projet “Why woman ?” (Pourquoi la femme).
Il indique que d’après le recensement général de la population et de l’habitat de 2008 (RGPH, 2008) et selon les statistiques de la Banque mondiale (BM, 2016) : 90% de la population burundaise vit de l’agriculture de subsistance. Ce chiffre monte à 95% en milieu rural. Il estime que l’accès à la propriété foncière en faveur des femmes permettrait d’augmenter leur inclusion financière dans la mesure où il leur sera facile d’obtenir du crédit, en mettant en garantie leur terre, ce qui n’est pas encore bien le cas.
Dr. Manirakiza précise, en outre, que les statistiques de la Banque de la République du Burundi (BRB, 2015) montrent que le taux d’inclusion financière des femmes était respectivement de 30,6 %, 30,3%, 28,3% en 2013, 2014 et 2015 alors que celui des hommes représentait 69,4%, 69,7% et 71,7% à la même période.
Selon toujours lui, l’accès à la propriété foncière en faveur des femmes permet d’aboutir à un développement intégral du pays, car a-t-il fait remarquer, « développer la femme, c’est développer toute la société ».
Et d’ajouter que les études qui ont été faites démontrent que les femmes ayant accès à la propriété foncière contribuent dans une grande proportion dans les revenus familiaux que les hommes (USAID, Honduras, Tanzanie) et que « la malnutrition est réduite de moitié quand les femmes ont accès à la propriété foncière » (USAID, Népal).
Dr. Manirakiza indique que les femmes sont souvent victimes des violences domestiques, surtout quand elles élèvent la voix contre la dilapidation des biens nécessaires pour le fonctionnement du ménage. Et vu leur dépendance économique, a-t-il ajouté, elles finissent par se résigner et encaisser les coups d’où leur permettre d’avoir accès à la propriété foncière permettrait un respect mutuel entre conjoints.
D’après lui, toutes ces raisons devraient normalement convaincre les autorités politiques, à remettre la proposition de la loi sur les successions, sur l’agenda législatif. Les problèmes qu’elles invoquent pour consacrer le statu quo (poussée démographique, dépendance à la terre, exiguïté des terres, conflits fonciers) ne devraient pas être considérés comme des obstacles insurmontables mais plutôt comme des défis à relever, et cela est possible s’il y a une réelle volonté politique, a-t-il poursuivi.
Dans une allocution prononcée un peu avant la présentation de cette étude de recherche, le Directeur exécutif de CDE-Great Lakes M. Aimable Manirakiza a fait savoir qu’à l’instar des femmes africaines, les femmes burundaises font face à de nombreux obstacles qui les empêchent d’échapper aux conditions de vie précaires qui les caractérisent aussi bien dans les zones rurales qu’urbaines. Dans ces conditions, a-t-il ajouté, il devient difficile de rendre ces femmes de vraies actrices du développement et des citoyennes à part entière.
Au Burundi, a-t-il poursuivi, la problématique des successions est la seule matière importante du droit de propriété burundais qui n’est pas encore régie par la loi burundaise. Dans ce cas, c’est la coutume qui s’applique au niveau des tribunaux pour que les femmes, les filles et les veuves puissent retrouver leurs droits de propriété ou non.
Ce défi reste un casse-tête pour le juriste burundais car, appliquer les solutions juridiquement acceptables, selon les instruments juridiques internationaux dont le Burundi a ratifié et selon la Constitution Burundaise, implique une véritable révolution juridique au niveau des tribunaux, a-t-il fait remarquer.
Et d’estimer qu’hériter et posséder une propriété sans discrimination à travers une décision juridique rendu par les cours et tribunaux au Burundi fournit de puissantes incitations juridiques qui aident à allouer les ressources économiques et à responsabiliser juridiquement les propriétaires pour améliorer leur vie en prenant des décisions sur l’utilisation de la terre et capturer tous les flux de revenus qui en découlent.