BUJUMBURA, 30 oct (ABP) – Les travailleurs migrants internationaux contribuent non seulement au développement de leur pays de destination en répondant à ses besoins en capital humain et en payant les taxes, mais également au développement de leur pays d’origine à travers le transfert des fonds et des compétences ainsi que les investissements productifs, ont souligné la coordinatrice de la gestion des migrations à l’Organisation internationale pour les migrations au Burundi (OIM-Burundi), Mme Mireille Mugisha et l’enseignant démographe et chargé de cours à l’Université du Burundi (UB), Dr. Jean-François Régis Sindayihebura, au cours d’une interview accordée à l’ABP.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, la coordinatrice de la gestion des migrations à l’OIM-Burundi a défini la migration internationale comme étant un mouvement de personnes qui quittent leur pays d’origine ou de résidence habituelle pour s’établir de manière permanente ou temporaire dans un autre pays, tandis que l’on parle de migration de main d’œuvre internationale lorsqu’il y a un mouvement de personnes qui se déplacent d’un pays vers un autre avec l’objectif principal d’y trouver un emploi pour subvenir à leurs besoins.
Ces dernières années, la migration de la main d’œuvre des Burundais a consisté essentiellement à se diriger vers les pays de l’East African Community (EAC) et ceux du Golf à savoir l’Arabie Saoudite, le Qatar et l’Oman pour la recherche d’un emploi surtout le travail domestique, tel que précisé par Mme Mugisha.
Selon elle, la migration peut être un facteur puissant de développement durable pour les migrants eux-mêmes et pour les membres de leur famille lorsqu’ils trouvent un emploi stable et travaillent dans de bonnes conditions dans leur pays de destination. Sur base de récentes études sur la migration de la main d’œuvre, elle a signalé que les migrants provenant de la région de l’EAC quittent leurs pays d’origine pour des raisons économiques (58% d’entre eux) vers les pays en forte demande de main d’œuvre pour y chercher de meilleures opportunités qui peuvent les aider à changer leur niveau de vie.
La contribution des travailleurs migrants dans leur pays d’accueil et dans leur pays d’origine ne peut pas passer inaperçue. Un immigrant peut être bénéfique pour le pays de destination lorsqu’il dispose d’un profil dont le pays a besoin, a révélé l’enseignant de l’université Sindayihebura. Au niveau de la communauté d’origine, a-t-il ajouté, on y trouve des individus qui ont été scolarisés à travers le transfert des fonds d’un oncle, d’une sœur, d’un grand frère ou d’un cousin qui a émigré vers la France, le Canada, les Etats-Unis d’Amérique, l’Australie, etc.
« On voit aussi dans l’entourage des individus qui ont pu acquérir une parcelle dans un centre urbain ou dans une ville, ou des individus qui ont pu renouveler le toit de leurs maisons grâce à l’un (e) des leurs qui a transféré l’argent. Il en est de même pour nos sœurs qui partent au Moyen-Orient et qui, par la suite, envoient de l’argent pour leur acheter des parcelles ou construire de belles maisons dans des quartiers de leur choix », a-t-il poursuivi à exemplifier.
Dans le même ordre d’idées, Mme Mugisha a fait savoir que les travailleurs migrants contribuent au développement de leur pays d’origine à travers non seulement le transfert des fonds qui aident surtout à subvenir aux besoins de leurs familles respectives, mais aussi à travers le transfert des connaissances ou d’une certaine expertise qu’ils ont acquises à l’étranger, sans oublier les investissements productifs qu’ils établissent dans leurs pays d’origine. Elle a, à cet effet, mentionné la contribution de la diaspora à l’édifice de sa patrie, laquelle contribution a été saluée par le président de la République du Burundi Evariste Ndayishimiye lors de la semaine de la diaspora, organisée chaque année pour encourager les membres de la diaspora burundaise à investir dans leur pays natale.
Partant des données à la disposition de l’OIM-Burundi, elle a fait remarquer qu’environ 80% des fonds transférés sont destinés à la consommation des ménages. En 2022, selon les données de la Banque Mondiale, le Burundi a comptabilisé, 48 millions de dollars américains des fonds transférés de manière formelle, soit 1,57% du Produit intérieur brut (PIB) du Burundi, tandis que si l’on fait une comparaison avec le pays voisin, l’Ouganda, cette somme s’élevait à 1,2 milliards de dollars pour la même année, soit 4,5% du PIB de ce pays, a-t-elle précisé.
Etant donné que la migration peut être une expérience positive lorsqu’elle est bien gérée, Mme Mugisha a, néanmoins, déploré que pas mal de migrants subissent de la discrimination, de l’exploitation et des mauvaises conditions de travail. Ainsi, l’OIM, à travers ses bureaux de pays établis dans plus de 100 pays du monde, encourage les gouvernements et les agences de recrutement des travailleurs migrants à faire un recrutement éthique, c’est-à-dire, en les embauchant de manière légale, équitable et transparente dans le respect de leur dignité et des droits humains. Les frais de recrutement devraient essentiellement être payés par l’employeur non pas par le migrant lui-même, a-t-elle ajouté.
Selon le démographe Sindayihebura, la migration doit être prise comme un phénomène presque naturel. Ainsi, il a fustigé le comportement de certains nationaux, en l’occurrence, les jeunes de l’Afrique du Sud qui usent de la xénophobie en s’acharnant sur les immigrants dans les rues de Johannesburg et de Pretoria pour les chasser à cause du rétrécissement du marché de travail. Il a recommandé de respecter la convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille par le respect rigoureux de ses articles 7, 11, 12, 16 et 25.
« Nul travailleur migrant ou membre de sa famille ne peut être tenu en esclavage ou en servitude. Nul travailleur migrant ou membre de sa famille ne peut être astreint à accomplir un travail forcé ou obligatoire. Les travailleurs migrants doivent bénéficier d’un traitement non moins favorable que celui dont bénéficient les nationaux de l’Etat d’emploi en matière de rémunération, des conditions de travail telles que les heures supplémentaires, les horaires de travail, le repos hebdomadaire, les congés payés, la sécurité, la santé, la cessation d’emploi et bien d’autres conditions de travail », selon les articles 12 et 25.
Contacté par l’ABP, le jeune émigré Jean Marie Ndayisenga a confirmé que ses conditions de vie se sont améliorées depuis son arrivée au Soudan du Sud au compte de la société chinoise de construction des routes. « J’essaie de gérer ma rémunération pour que ma famille en tire aussi profit à travers le transfert d’argent par un intermédiaire », a-t-il signalé, avant de conseiller à ses pairs de toujours migrer ou franchir la frontière par voie légale, et de bien se comporter dans le pays de destination tout en se conformant aux normes de ce dernier.
Signalons qu’aucun pays n’est fermé à la migration. Chaque pays enregistre des sortants et des entrants, a conclu Dr. Jean-François Régis Sindayihebura.