BUJUMBURA, 18 Juin (ABP) – Les violences basées sur le genre sont une réalité partout dans le monde, en général et au Burundi, en particulier. Elles constituent une violation des droits humains fondamentaux et affecte tous les aspects de la protection et du bien-être de la personne. Elles se commettent dans la communauté et la majorité des victimes qui les subissent vivent sous le même toit avec les présumés auteurs, a indiqué Mme Laetitia Twagirimana, directrice du département chargé de la lutte contre les violences sexuelles et celles basées sur le genre, au ministère de la Solidarité nationale, des Affaires sociales, des Droits de la personne humaine et du Genre, lors d’une interview qu’elle a accordée à l’ABP, mardi, le 11 juin 2024, à Bujumbura.
Lors de cette entretien, Mme Twagirimana a fait savoir que les types et formes de VBG les plus observés sont entre autres la violence physique, la violence psychologique, la violence sexuelle, la violence socio-économique, les violences domestiques.
S’agissant de la lutte contre les VBG, elle a précisé que toute personne ne doit s’impliquer car, la lutte contre les VBG nécessite une conjugaison d’efforts des habitants et de toute la communauté, au niveau locale (la colline) jusqu’à plus haut niveau). Ainsi, les leaders d’opinion, les leaders traditionnels et religieux, les médias, les autorités et la société civile ont un rôle capital à jouer. Ils peuvent influencer les populations et les communautés pour les amener au changement de comportements nuisibles.
Pour lutter contre ce fléau, il faut aussi appliquer des sanctions pour les auteurs des VBG conformément à la loi. Il faut aussi mener des sensibilisations au sein de la communauté pour qu’elle prenne conscience des VBG, ses causes, ses conséquences et le corps humain qu’elles pèsent sur le pays.
Les défis liés à la lutte contre les VSBG, sont, selon Mme Twagirimana, l’impunité qui persiste à cause du manque d’information chez les populations, les pesanteurs socioculturels et la contrainte au silence ou au règlement à l’amiable. Elle est aussi due au non application des textes et lois réglementaires contre les formes de violences. Elle n’a pas manqué de relever des irrégularités liées au cadre législatif et en appelle à la révision du code pénal, de la loi spécifique et du code des personnes et de la famille.
En ce qui concerne la protection des victimes, des témoins et des acteurs à risque, le droit burundais doit prendre en compte la protection des victimes, des témoins et des acteurs à risque de VBG.
Par ailleurs, a-t-elle souligné, la longueur des procédures font que les victimes abandonnent leurs dossiers.
Les acteurs de lutte contre les VSBG à tous les niveaux ne sont pas suffisamment formés et ne bénéficient pas de tous les moyens pour remplir effectivement leur mission auprès des victimes, a-t-elle déploré.
H.J est mère de 3 enfants âgés de 34 ans. Elle vit sur la colline Kirema en commune et province Kayanza. Dans son témoignage à l’ABP, elle a indiqué qu’elle s’est mariée légalement. Mais, après le mariage son mari la maltraite quotidiennement. Il y a des jours même où il ne rentre pas et loge chez ses concubines. Quand il rentre, il n’intervient à aucun besoin de la famille. Il casse même ce qu’on a préparé comme repas. « Je suis battue presque tous les jours et me dit à maintes reprises qu’il me tuera un jour. Je vis le cœur au ventre. » « Un jour, en regardant sous le matelas sur lequel nous dormons, j’ai constaté qu’il y a un marteau et un fer à béton, des instruments qu’il a mis à sa disposition pour me tuer. Je lui ai demandé pourquoi ces outils sont dans notre chambre. Comme réponse, il m’a battu sérieusement et a enlevé mon téléphone portable et a déchiré les habits que je portais. J’ai pris fuite vers ma famille biologique, en lui laissant les enfants. Maintenant je vis dans la tourmente du fait de la vie de mes enfants. Je désire entamer le processus de divorce parce que c’est impossible de cohabiter encore avec cet homme.
Mme Gloriose Nyakuza, une des prestataires de soins au Centre SERUKA, s’occupe de la prise en charge holistique aux victimes des VBG. Elle a indiqué à l’ABP que ce centre fait une prise en charge médicale complète, psychologique, juridique et une assistance judiciaire. Elle a signalé que les femmes subissent des VBG plus que les hommes. Elle a précisé que la majorité des victimes qui consultent le Centre SERUKA sont les femmes et les filles y compris les mineurs de moins de 18 ans avec une proportion de 95% et un pourcentage de 5% pour les hommes et les garçons. Les cas de VBG reçus par ledit centre pour la période de 2017 à 2023 sont de 8389 pour les femmes et 495 pour les hommes et 6142 pour les mineurs de moins de 18 ans.
Parmi ces cas, les violences sexuelles occupent le premier rang et les violences physiques dont les femmes battues viennent en seconde position.
S’agissant des conséquences liées aux VBG, elle a cité les abandons scolaires, l’absence de paternité en cas de violences sexuelles, parce qu’il y’a des cas où les auteurs ne sont pas connus ou attrapé, la séparation des couples etc.
Selon le président de la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH), Sixte Vigny Nimuraba, les VBG constituent l’une des violations les plus graves des droits humains. Ces dernières entraînent des conséquences graves sur la vie des victimes et sur l’harmonie sociale. Il n’a pas manqué de signaler que le rôle des femmes leaders dans la lutte contre ce fléau est incontournable par la vulgarisation de la loi numéro 1/13 du 22 septembre portant prévention, protection des victimes et répression des VBG. Les femmes leaders doivent prendre le devant dans la sensibilisation surtout à l’endroit des filles et des femmes de dénoncer systématiquement tout cas de VBG et tentative de règlement à l’amiable ainsi que l’inaction des acteurs de la chaîne pénale.
Selon Mme Iyakaduhaye Estella, psychologue, les victimes des VBG subissent la discrimination, la stigmatisation de la part de la communauté. Ainsi elles se culpabilisent surtout en cas de violence sexuelle. Les victimes éprouvent aussi un sentiment d’inutilité, de souillure, et de non estime de soi. Elles éprouvent aussi l’insomnie, l’inappétence, et les palpitations cardiaques.
Pour la violence psychologique, la victime perd confiance en elle-même et en ses possibilités. Peu à peu s’installe le désespoir, une acceptation passive de ce qui arrive, s’isole, s’enferme dans sa honte et n’ose plus prendre d’initiative. Cette violence peut conduire à la dépression, à l’alcoolisme et même au suicide.
Pour les violences domestiques, par exemple une maman qui est battue à la maison éprouve un sentiment de regret d’avoir accepté d’épouser cette personne.
Mme Iyakaduhaye a conseillé aux victimes des VBG de consulter les psychologues qui vont les aider à diminuer le stress post traumatique et protéger leur santé mentale.
S’agissant des défis liés à la prise en charge des victimes des VBG, elle a expliqué que dans la plupart des cas, on fait une prise en charge individuelle, alors qu’il y avait besoin de faire également une prise en charge de l’auteur, de la communauté, une approche qui réussit bien et qui n’est pas encore étendue dans tout le pays, parce que cela demande beaucoup de moyens. Elle a mentionné également qu’il y a des victimes pauvres qui manquent des frais de déplacement pour terminer tous les jours de prise en charge