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ABP - Agence Burundaise de Presse

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Quand El Niño fait plonger les communautés dans l’incertitude

BUJUMBURA, 10 Mars (ABP)- Dans les profondeurs du Burundi, le lac Tanganyika, jadis considéré comme symbole de sérénité, est devenu témoin tragique des ravages causés par les changements climatiques. Le phénomène El Niño a déchaîné des pluies torrentielles, qui ont fait monter les eaux et engloutissant des maisons, des champs de cultures, des écoles et des infrastructures vitales. Les communautés, déjà vulnérables, se retrouvent désormais dans la désolation totale et sont confrontées à une réalité dévastatrice où chaque goutte d’eau semble porter avec elle des souvenirs perdus. Les glissements de terrains qui ont suivi n’ont fait qu’ajouter l’huile dans le feu, emportant avec eux espoirs et rêves. Environ 30000 sinistrés sont pris entre le marteau et l’enclume, ne sachant pas à quel saint se vouer. Face à cette crise environnementale sans précédent, les personnes touchées luttent pour leur survie dans un paysage transformé en champ de désolation.

Une mère transportait son enfant sur le dos et quelques effets personnels alors qu’elle fuyait les inondations à Kibenga. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Selon l’ONG onusienne OCHA, le phénomène El Niño a occasionné des pluies torrentielles, inondations et des glissements de terrain. Depuis la saison des pluies en septembre 2023, les personnes affectées se chiffrent à plus de 237,000, (55% parmi elles sont des femmes).  On dénombre plus de 42 000 personnes déplacées (57% sont des femmes), 29 décès, 175 personnes blessées. En outre, de janvier à mi-avril 2024, plus de 179 200 personnes ont été affectées et plus de 31 200 personnes se sont déplacées. Les provinces les plus affectées sont celles de Cibitoke, Bubanza, Bujumbura et Rumonge.

Le Gouvernement du Burundi et le Système des Nations Unies ont lancé un communiqué le 14 avril 2024, reconnaissant la situation d’urgence et appelant à plus de mobilisation pour répondre aux besoins urgents. Un plan de réponse inondations et effets du phénomène El Niño, ciblant 306 000 personnes en besoin d’assistance humanitaire urgent, a été élaboré.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), les habitants ont été contraints de chercher refuge dans des écoles, des églises ou parfois dans des abris de fortune improvisés au bord de la route dans la zone rurale de Gatumba, dans la province de Bujumbura. En plus de perdre leur maison, beaucoup ont perdu leurs moyens de subsistance car les inondations ont détruit des récoltes et endommagé les commerces.

Selon le coordinateur de la Matrice de suivi des déplacements (Displacement tracking matrix : DTM), Djiguiba Camara, 89 031 ménages ont vu leurs champs détruits et inondés. 49 410 maisons ont été détruites et endommagées au moment où 29 814 autres ont été inondées et 1535 latrines détruites et inondées. Aussi, 671 salles de classes ont été détruites et inondées, de même que 16 structures sanitaires. Il s’exprimait jeudi, le 6 juin 2024, lors d’un atelier de formation technique de renforcement des capacités pour les membres du Groupe de travail sur les solutions durables (GTSD) organisé par le ministère de la Solidarité nationale, des Affaires sociales, des Droits de la Personne humaine et du Genre, en collaboration avec le Secrétariat régional sur les solutions durables (Regional durable solutions secretariat ) (ReDSS). Lors de sa présentation sur le changement climatique, les catastrophes et les déplacements au Burundi, Camara a souligné que le nombre de personnes affectées et déplacées par les catastrophes au Burundi depuis 2018 à 2024 s’élève respectivement à 885.799 et à 182.090. D’après lui, l’évolution des personnes blessées et décédées suite à ces catastrophes fait état de 698 blessées et 156 décédées depuis 2018 jusqu’en 2024.

By Jean de Dieu Ndikumasabo

La localité de Gatumba a été gravement touchée par ces inondations, affectant plus de 2 000 ménages, ce qui représente environ 10000 personnes. En parallèle, la colline Gabaniro-Kirasa a subi des glissements de terrain qui ont affecté environ 2 500 personnes. En réponse à ces crises, le gouvernement a décidé de délocaliser les victimes afin de leur fournir un abri et une sécurité. Les ménages déplacés de Gatumba ont été relocalisés vers le site de Gisagara, situé dans la commune Mubimbi, en province de Bujumbura. De même, les habitants touchés par les glissements de terrain sur la colline Gabaniro ont été transférés au Centre des Métiers de Gitaza, dans la même province de Bujumbura.

Vue d’un quartier de la zone Gatumba, englouti par les eaux après le passage d’El Niño.  Les habitants n’ont d’autre choix que de se déplacer en petits bateaux, au péril de leur vie, exposés aux attaques de crocodiles et d’hippopotames. Une survie au jour le jour, entre espoir et danger. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Une étude conjointe de l’Institut national de la statistique du Burundi (INSBU) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) dresse, quant à elle, un bilan sombre. Selon ce dernier, depuis le début de la saison des pluies en septembre 2023, le phénomène El Niño a occasionné des pluies torrentielles, des inondations, de la grêle, des vents violents et des glissements de terrain au Burundi. Les fortes précipitations ont notamment provoqué la montée des eaux du lac Tanganyika, inondant de vastes zones côtières. En mai 2024, on dénombrait 297,7463 personnes directement affectées par les conséquences de ce phénomène climatique, dont 54% étaient des femmes, 47.739 personnes déplacées, parmi lesquelles 56% étaient des femmes, 13.335 maisons inondées, et 11.200 maisons détruites ou endommagées.  La même étude souligne également que 33 décès, dont 7 attaquées par des crocodiles, ont été enregistrés.

Le Burundi est répertorié parmi les 20 pays les plus vulnérables au changement climatique à l’échelle mondiale. Les risques liés à ces changements climatiques constituent une menace permanente pour tous les secteurs du pays. Le secteur des infrastructures est durement touché, avec des pertes annuelles estimées à 30 millions USD, rien que pour la plaine de l’Imbo. Selon une étude présentée par l’ONU, le Burundi est reconnu comme l’un des 20 pays les plus vulnérables au changement climatique. Il subit en effet chaque année des pertes économiques dépassant 80 millions USD. Cependant, le Burundi subit ces tragédies alors que d’après la Banque mondiale (BM), il  émet moins de 0,02 % de gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement de la planète.

Quand la nature devient ennemie : Les leçons cruciales des spécialistes sur El Niño et ses conséquences dévastatrices

Alors que les chiffres alarmants des impacts d’El Niño se révèlent, il est nécessaire de comprendre la nature même de ce phénomène climatique. Les différents experts climatiques éclairent sur les mécanismes sous-jacents de ce phénomène mystérieux et complexe.

Docteur Athanase Nkunzimana, enseignant-chercheur à l’Université du Burundi (UB), est expert en prévention des risques et gestion des catastrophes hydrométéorologiques. Il est également membre du Centre de recherche et d’études sur le développement dans des sociétés à reconstruction.

Il indique que le phénomène El Niño est géolocalisé au niveau de l’océan pacifique. Il est lié à la différence entre la température de l’eau et de la surface, qui change de temps en temps, tantôt de la façade-est et au niveau de la façade-ouest de l’océan Pacifique. Selon lui, ce phénomène se présente souvent pendant les mois de novembre à janvier. « C’est pour cela que le nom El Nino signifie « Enfant Jésus », car les premiers chercheurs l’ont constaté avec la naissance de Jésus-Christ », explique-t-il.

Selon cet expert, dans la zone tropicale, spécialement au niveau de l’océan Pacifique, il y a toujours des alizés. Ceux du sud et du nord qui sont orientés de l’est vers l’ouest et qui poussent l’eau vers l’ouest et avec le temps, il y a décalages de la température au niveau de l’océan Pacifique où on assiste à une élévation de température qui côtoie la façade de l’Amérique latine. C’est à ce moment-là que des présentations intenses s’observent au niveau de l’océan Pacifique et aussi au niveau de l’Amérique latine. Il explique qu’il y a un lien direct entre le phénomène El Niño et les précipitations intenses ou extrêmes au niveau de l’Afrique de l’Est.

Dr Athanase Nkunzimana, enseignant-chercheur à l’Université du Burundi (UB), est expert en prévention des risques et gestion des catastrophes hydrométéorologiques

Tharcisse Ndayizeye, quant à lui, est un environnementaliste et enseignant chercheur des universités. Il définit le phénomène El Niño comme étant un phénomène saisonnier qui fait que certaines données météorologiques changent et, la plupart des fois, en augmentant. Il indique en outre que ce phénomène est couplé avec le changement climatique.

La montée des eaux du lac Tanganyika a provoqué une tragédie dévastatrice dans la localité de Gatumba et le long des rives de ce lac, s’étendant de Gatumba à Kabonga en commune Nyanza-Lac province de Makamba. Les inondations ont emporté non seulement des infrastructures vitales, mais aussi des vies, laissant derrière elles un paysage de désolation et de souffrance. Les habitants, autrefois sereins, se trouvent désormais confrontés à une réalité cruelle où leurs souvenirs sont engloutis par les flots. Ndayizeye souligne que les causes de cette montée sont multiples et complexes. Des changements climatiques aux activités anthropiques, chaque facteur contribue à ce phénomène alarmant, précise-t-il.

« Le lac Tanganyika est alimenté par plusieurs rivières principales telles que Rusizi, Maragarazi, Runangwa et Ruvubu, qui apportent une quantité significative d’eau estimée à plus de 20 km³ par an. De plus, les précipitations influencées par le changement climatique et le phénomène El Niño jouent un rôle essentiel dans la dynamique hydrologique », explique Ndayizeye.

Pour lui, plusieurs phénomènes naturels et anthropiques influencent le niveau d’eau du lac Tanganyika. Parmi ces phénomènes, il mentionne le changement climatique qui a un impact significatif sur les régimes de précipitations dans la région, ce qui peut entraîner des variations dans le niveau d’eau des lacs. Le phénomène El Niño peut également influencer les conditions météorologiques dans la région, entraînant des fluctuations dans les niveaux d’eau.

Selon cet expert en environnement, la déforestation dans le bassin versant du lac Tanganyika contribue, elle aussi, à l’érosion des sols et à une augmentation de la sédimentation dans le lac. Cela peut réduire la capacité du lac à contenir l’eau et affecter sa qualité.

La sédimentation et les activités agricoles influencent la montée des eaux du lac Tanganyika. « Les activités agricoles intensifiées sur les montagnes environnantes augmentent également la quantité de sédiments qui se déversent dans le lac. L’érosion causée par ces pratiques agricoles peut entraîner une accumulation de sédiments, ce qui réduit la profondeur du lac et modifie son écosystème », a-t-il élucidé. Les sédiments provenant du lac Kivu et des rivières environnantes sont, eux aussi, mentionnés parmi les causes de cette montée des eaux du lac Tanganyika : « Les rivières qui alimentent le lac Tanganyika, y compris celles venant du Congo, de la Tanzanie, de la Zambie et du Burundi, transportent également des sédiments. Ces dépôts peuvent contribuer à l’augmentation progressive du niveau d’eau », révèle-t-il.

Ndayizeye affirme, également, que le fait que la rivière Rukuga, l’exutoire principal du lac Tanganyika, soit relativement petit signifie, qu’il y a moins d’évacuation d’eau par rapport à l’apport en eau provenant des rivières et des précipitations. Cette situation peut conduire à une accumulation d’eau dans le lac, surtout si les apports sont supérieurs aux évacuations.

MSc Tharcisse Ndayizeye, environnementaliste et enseignant-chercheur à l’Université des Grands Lacs ( Photo: Jean de Dieu Ndikumasabo)

Des écosystèmes dévastés, une économie à genoux

Les inondations provoquées par la montée des eaux du lac Tanganyika ont occasionné une multitude de conséquences interconnectées. Ces dernières ne se limitent pas aux dégâts matériels. Elles touchent profondément des communautés. Les experts climatiques font savoir que des familles entières ont perdu leurs foyers, leurs terres agricoles et leurs moyens de substance. L’angoisse et l’incertitude règnent alors que les habitants, eux, tentent désespérément de reconstruire leur vie au milieu des décombres laissés par cette catastrophe.

Tharcisse Ndayizeye, expert en environnement, souligne que la montée des eaux du lac Tanganyika, amplifié par le phénomène El Niño, a engendré des conséquences dévastatrices pour le Burundi. Il souligne que les infrastructures essentielles, telles que les écoles et les hôtels, ont été détruites, laissant les entrepreneurs dans une situation détresse. L’agriculture, pilier de la substance locale, a subi de plein fouet les inondations, déplore-t-il, avec des champs anéantis. Le tourisme et d’autres activités économiques sont en déclin, précisant que le port de Bujumbura a aussi été touché par cette situation. Selon lui, des familles entières se retrouvent désormais contraintes de louer des logements précaires, après avoir perdu leurs maisons, ce qui les plonge encore plus profondément dans une spirale d’insécurité financière.

Ndayizeye souligne également que la montée des eaux du lac Tanganyika a eu des répercussions significatives sur la santé psychologique des personnes touchées. « Les conséquences psychologiques pour les personnes touchées par ces changements environnementaux ne doivent pas être sous estimées. Le stress lié à l’incertitude économique et à la perte du logement peut conduire à une augmentation des problèmes de santé mentale tels que l’anxiété et la dépression », a-t-il expliqué.

Il estime que les inondations dues à la montée des eaux du lac Tanganyika ont conduit à un changement de priorités, passant de projets de développement à des initiatives humanitaires, pour secourir des milliers de personnes en détresse. Cette situation a un impact négatif sur l’économie burundaise car les efforts se concentrent désormais sur l’aide aux sinistrés plutôt que sur le développement économique. Les ménages et les autorités sont confrontés à des défis majeurs tels que la recherche d’abris et de nourritures, ce qui entrave toute activité de développement, a-t-il démontré.

Au Burundi, la montée des eaux du lac Tanganyika provoquée par le phénomène El Niño, a eu des conséquences significatives sur les communautés riveraines.  Dr Athanase Nkunzimana souligne plusieurs aspects critiques liés à cette problématique. Il affirme que ces inondations ont entraîné le déplacement de nombreux ménages, notamment dans la région de Kibenga lac. Ce phénomène a forcé les habitants à quitter leurs maisons pour chercher refuge ailleurs.

Pour lui, les déplacements massifs ont engendré une crise humanitaire sans précédent, avec des familles ayant perdu non seulement leurs logements mais également leurs moyens de subsistance. Selon toujours lui, le secteur du tourisme a également été affecté. Plusieurs hôtels situés le long de la rive du lac Tanganyika ont dû fermer leurs portes en raison de ces inondations. Dr Nkurunzimana précise que cette situation représente un impact direct sur l’économie car, souligne-t-il, le tourisme est une source importante de revenus pour de nombreuses communautés riveraines. La fermeture d’établissements touristiques a aussi réduit les opportunités d’emploi et diminué considérablement les recettes fiscales. De plus, certaines routes sont devenues impraticables suite à l’élévation du niveau de l’eau, rendant difficile le transport.

En outre, Dr Nkunzimana note que ces problèmes ne se sont pas seulement limités au niveau du Burundi. Ils ont également touché la République démocratique du Congo (RDC) voisin, notamment dans la région de Kalemi, ce qui souligne un problème régional plus vaste lié aux changements climatiques. « La montée des eaux du lac Tanganyika a occasionné des inondations qui ont, à leur tour, provoqué un ensemble complexe d’effets négatifs sur les communautés riveraines du lac Tanganyika, affectant ainsi tant leur mode de vie que leur économie locale », insiste-t-il.

Dr Nkunzimana passe en revue les effets psychologiques de ces aléas climatiques : « La population déjà affectée par des inondations fait face à une situation alarmante en 2024 où les niveaux de l’eau du lac Tanganyika ont dépassé ceux de l’année précédente (2023). Cette situation a entraîné des préoccupations psychologiques croissantes parmi les habitants, notamment ceux qui résistent en tentant de s’adapter », estime-t-il. Les agressions par des animaux sauvages, tels que les hippopotames et les crocodiles, amplifient la peur et la panique. De plus, ajoute-il, beaucoup de propriétaires ont contracté des crédits pour acquérir leurs maisons, ce qui crée une anxiété quant à leur capacité de   rembourser ces prêts, surtout que leurs maisons sont submergées et qu’ils se trouvent dans une incapacité financière, renchérit l’expert.

Les victimes face à l’inexplicable

Les pluies torrentielles générées par le phénomène El Niño ont non seulement causé des inondations, mais elles ont également déclenché des glissements de terrain. Ces derniers ont eu un impact catastrophique sur le Burundi en affectant la vie de milliers de personnes. Environ 2500 ménages de la localité Gabaniro-Kirasa et 229 autres de la localité Nkenga-Busoro ont perdu leurs foyers, eu égard à ces évènements tragiques.

Un aspect important, particulièrement alarmant de cette catastrophe naturelle, a été l’anéantissement d’une centrale hydro électrique érigée dans cette localité. Cette infrastructure vitale a été complètement anéantie par des glissements de terrain, ce qui a privé la communauté d’une source d’énergie. Face à cette tragédie, les victimes rencontrées sur le lieu avaient exprimé leur incompréhension quant à l’origine de ces phénomènes naturels. Plus d’un attribuait ces événements à des croyances surnaturelles telles que la sorcellerie.

Cette situation met en évidence la nécessité d’éduquer les communautés sur les causes réelles des catastrophes naturelles afin d’atténuer la désinformation et d’encourager une réponse appropriée aux crises.

A ce propos l’expert, en environnement Tharcisse Ndayizeye tranquillise les esprits. Il souligne que les glissements de terrain sont des phénomènes naturels qui résultent principalement de la composition pédologique du sol : « Dans un profil pédologique, on peut observer différentes couches, telles que l’argile et le sable. Dans la nature du sol, ces variations jouent un rôle prépondérant dans la stabilité des terrains », explique-t-il.  Selon lui, lorsque l’eau s’infiltre dans le sol, surtout après des précipitations importantes, cela peut entraîner une instabilité. Il précise que les activités anthropiques en aval peuvent, également, amplifier ce risque : « Par exemple, la plupart des routes menant vers Bujumbura sont souvent menacées par des glissements. C’est l’eau qui pénètre dans le sol provoquant ainsi un affaiblissement des structures terrestres ».

Selon toujours cet expert environnement, le processus se produit lorsque l’eau permet un détachement d’une couche de sol à l’autre. Ce phénomène est accentué par le fait que certaines parties des montagnes ne possèdent pas de caractéristiques pédologiques qui les entourent.  Il estime, en outre, qu’il est essentiel de mener des études approfondies avant toute construction afin d’évaluer les risques de glissements de terrain.  Selon toujours Ndayizeye, la nature du sol joue un rôle prépondérant dans la stabilité des structures, et des études géotechniques doivent être réalisées pour identifier les variations de la composition du sol. Par ailleurs, il estime qu’une évaluation rigoureuse est indispensable pour garantir la sécurité des constructions.

Vue partielle d’une centrale hydroélectrique complètement anéantie par un glissement de terrain. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Une étude conjointe de l’INSBU et du PNUD dresse un bilan sombre

L’Institut national de la Statistique du Burundi (INSBU) et le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) ont conjointement produit une étude d’évaluation des impacts socio-économiques du phénomène El Niño intitulée « Etudes des impacts socioéconomiques du phénomène El Niño au Burundi ». Cette étude dresse un tableau sombre des bilans. Au total, 1687 ménages ont été enquêtés, dont 858 dans les strates inondées et 829 dans les strates non-inondées.  Le phénomène El Niño a particulièrement affecté les pays d’Afrique de l’Est en 2023 et en 2024. Au Burundi, les impacts sur l’agriculture, la sécurité alimentaire, la santé, le logement, les infrastructures et les moyens de subsistance des communautés vulnérables sont indéniables. L’agriculture a été particulièrement impactée par El Niño, avec 71 % des ménages déclarant un impact sur leur activité agricole.

Les zones les plus affectées, incluant la zone Muhuta, Rumonge, Nyanza lac, et Bugarama, avec 81 % des ménages, déclarent subir l’impact. Selon cette étude, le coût des dommages sur l’agriculture est estimé à 404 Milliards Fbu, soit 141 Millions USD1, tandis que le coût du manque à gagner dans l’agriculture est estimé à 381 Milliards Fbu, soit 133 Millions USD. Le coût des dommages sur l’élevage est estimé à 35 Milliards Fbu, soit 12 Millions USD, tandis que le coût du manque à gagner dans le domaine de l’élevage est estimé à 27 Milliards Fbu, soit 9.5 Millions USD.

L’endettement des ménages a significativement augmenté, avec presque la moitié des ménages endettés à la suite de la baisse des revenus tirés des sources traditionnelles, notamment l’agriculture. La sécurité alimentaire a été également compromise, avec une réduction de l’autosuffisance alimentaire due à la baisse de la production agricole et à l’augmentation des prix des denrées alimentaires. Environ 73 % des ménages concernés par cette étude craignent de ne pas avoir suffisamment de nourriture. L’éducation a également été affectée, avec une diminution du nombre moyen d’enfants scolarisés, principalement du fait que les enfants doivent travailler pour soutenir le revenu familial.

Selon cette même étude, les inondations causées par El Niño à Gatumba ont entraîné une perte massive d’emplois. Environ 81 % des membres des ménages déplacés ont perdu leur emploi, ce qui a considérablement réduit leurs revenus. La majorité des ménages déplacés ont vu leur revenu diminuer de plus de la moitié, et 98 % ne disposent pas de ressources suffisantes pour couvrir leurs dépenses, entraînant ainsi une dépendance accrue à l’endettement.

Des rires étouffés : Les enfants face à la crise climatique

Le phénomène El Niño a déclenché des inondations et des glissements de terrain qui ont endeuillé le Burundi. Les effets immédiats de ces aléas climatiques sur la vie quotidienne des enfants sont multiples et reliés entre eux, affectant non seulement leur santé physique, mais aussi et surtout leur bien-être psychologique et social.

Le porte-parole de la Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi (FENADEB) Ferdinand Simbaruhije fait savoir que les inondations et les glissements de terrain occasionnés par le phénomène El Niño ont des corollaires dévastateurs sur la vie quotidienne des enfants. Selon lui, ces événements entraînent la dislocation des familles et provoquent la faim, la pauvreté et l’augmentation du taux de décès. De plus, les enfants sont exposés à des risques sanitaires tels que le choléra et la dysenterie en raison des conditions d’hygiène précaires. Il souligne également que ces enfants subissent la perte du droit à l’épanouissement, avec un manque d’habillement, de matériels scolaires et d’habitation ce qui, en quelque sorte, compromet leur éducation et leur bien-être en général.

Ferdinand Simbaruhije, porte-parole de la Fédération nationale des associations engagées dans le domaine de l’enfance au Burundi (FENADEB). (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

D’après lui, les catastrophes naturelles augmentent considérablement la vulnérabilité des enfants, car elles perturbent leur environnement familial et social lorsque les parents ou tuteurs sont eux-mêmes en situation de vulnérabilité. Leur capacité à protéger et encadrer les enfants est ainsi gravement compromise. Il précise que cette dynamique expose les jeunes à des risques accrus de violence, de mendicité et d’exploitation. De plus, ajoute-t-il, la promiscuité résultant de ces situations favorise l’émergence de violences basées sur le genre, mettant donc en péril leur sécurité physique et psychologique. Ces facteurs conjugués créent un environnement où les enfants sont particulièrement exposés à des abus et à des formes d’exploitations.

Simbaruhije estime, par conséquent, que pour renforcer la résilience des communautés burundaises face aux changements climatiques et protéger les droits et le bien-être des enfants, il est essentiel de développer une cartographie exhaustive des services disponibles, ce qui pourrait faciliter, en quelque sorte, l’orientation des bénéficiaires vers les ressources appropriées. Cela doit inclure un plaidoyer afin d’éviter la duplication des efforts dans les zones d’intervention, ce qui pourrait garantir une utilisation efficace des ressources, explique-t-il.

Il est crucial de promouvoir l’installation des dispositifs de lavages des mains dans les régions vulnérables au Mpox, en intégrant cette initiative dans un cadre plus large de prévention sanitaire lié aux impacts des aléas climatiques, estime-t-il. En outre, il mentionne que le soutien matériel pour les écoles et l’assistance aux ménages sans abri doivent également être prioritaires afin d’assurer un environnement stable pour les enfants. Enfin, il souligne que le renforcement des capacités des volontaires communautaires sur les espaces amis des enfants (EAS) et les lignes directrices de gestion des espaces d’accueil éducatif (EAE) est indispensable pour garantir que ces initiatives soient mises en œuvre efficacement et durablement.

A cause du changement climatique, les enfants subissent la perte de leur droit à l’épanouissement, avec un manque de matériel scolaire et d’habitation, compromettant ainsi leur éducation et leur bien-être. (Photo prise à Gatumba par Jean de Dieu Ndikumasabo)

Dans le site de Gisagara se trouvant dans la province Bujumbura, environ 2000 ménages, composés de 10.000 personnes déplacées à la suite des inondations de Gatumba, une localité qui a été victime du phénomène El Nino, font face à des défis significatifs quant à l’éducation de leurs enfants. Lors d’une récente visite effectuée sur le lieu, il a été constaté qu’aucune école n’est disponible dans ce site. Les enfants sont, ainsi, obligés de parcourir près de 6 km en allant à l’école. Cette longue distance constitue un obstacle majeur pour les familles qui préfèrent souvent garder leurs enfants auprès d’eux plutôt que de les laisser s’aventurer dans un trajet risqué : « Nos enfants doivent traverser une grande chaîne de montagnes inhabitée pour aller à l’école. En cas de pluies, ils n’ont pas d’abris où se protéger, ce qui nous fait craindre quant à leur leur sécurité.  De plus, la foudre frappe fréquemment dans cette région », se sont inquiétés les parents rencontrés dans ce site des déplacés.

Ces témoignages mettent en évidence la peur et l’anxiété ressenties par les parents face aux dangers auxquels leurs enfants sont exposés sur le chemin de l’école. Ils estiment qu’il est préférable que leurs enfants restent près d’eux que de risquer leur vie. Ces mêmes parents demandent qu’une école soit construite sur ce site afin d’alléger ce fardeau et garantir un accès sécurisé à l’éducation de leurs enfants.

Abdoul Karim Muzinga, le chef de ce site, indique qu’en tant que responsable, il est au courant de cette situation et qu’il a déjà fait un plaidoyer auprès des instances de prise de décision. Les ministres en charge de l’Intérieur et de l’Education nationale sont informés de cette problématique et sont prêts à intervenir.

Concernant les tracasseries auxquelles sont confrontés les enfants pour se rendre à l’école, où ils parcourent une longue distance, Muzinga fait savoir que les deux autorités ont déjà promis l’installation, à l’intérieur du site, de classes mobiles pour faciliter l’accès à l’éducation des élèves de 1ère jusqu’en 3ème primaire qui n’ont pas encore atteints la maturité pour parcourir une longue distance. « Nous avons déjà terminé les installations. Nous faisons tout notre possible pour trouver des enseignants, des bancs-pupitres, de matériel didactique et d’autres dispositifs connexes », rassure-t-il.

Les catastrophes naturelles liées aux changements climatiques : facteur d’augmentation des risques d’exploitation et d’abus sexuels chez les femmes et les filles

Les catastrophes naturelles déclenchées par les changements climatiques, comme les inondations et les glissements de terrain augmentent considérablement la vulnérabilité des filles quant à l’abus et exploitation sexuels. Selon Alice Nindorera, représentante légale du Forum des éducatrices africaines (FAWE), ces événements entraînent la détérioration des conditions de vie. Ils rendent ces populations plus susceptibles aux abus et exploitations sexuels. La démolition des logements et la perte des moyens de substance créent un environnement favorable à l’exploitation.

De plus, estime-elle, l’absence de sécurité et le déplacement forcé quitte à s’installer dans les tentes amplifient cette situation déjà précaire. Pour Nindorera, les catastrophes naturelles entraînent souvent des déplacements massifs des personnes affectées (populations). Ces individus, souvent privés de leurs biens matériels, se retrouvent dans une situation de vulnérabilité extrême.  Lorsqu’elles sont regroupées dans des camps, elles vivent dans des conditions de promiscuité. En conséquence, cette situation aggrave leur précarité, en particulier pour les filles et les femmes.

Nindorera explique que dans ces environnements surpeuplés, le risque d’exploitation et d’abus sexuel augmente considérablement. « Les conditions de vie difficiles et l’absence de ressources surtout financières rendent ces individus exposés aux violences. Les filles et les femmes sont souvent les plus touchées par ces abus, en raison de leur position sociale déjà fragile ».

Alice Nindorera, représentante légale du Forum des éducatrices africaines (FAWE). (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Elle souligne que le regroupement des victimes dans des espaces souvent restreints conduit à un état d’oisiveté. Dans ce contexte, explique-t-elle, on observe souvent des comportements errants : ” Certains cherchent à mendier, tandis que d’autres tentent désespérément de trouver un emploi pour subvenir à leurs besoins. Cette inactivité prolongée peut avoir des effets néfastes sur la santé mentale et physique des individus concernés”.

Nindorera fait remarquer que dans certains cas, les victimes des catastrophes naturelles peuvent être dispersées au sein de familles d’accueil ou d’autres communautés. Cependant, nuance-t-elle, cette dispersion n’exclut pas le risque, au contraire, elle accroît l’exposition des filles et des femmes aux violences sexuelles.

Selon Oxfam, les effets du changement climatique sur un territoire donné sont les mêmes pour ses habitants, mais les hommes et les femmes comptent sur différents capitaux et ressources pour faire face aux changements climatiques. De ce fait, la vulnérabilité des femmes est plus importante ainsi que l’impact sur leurs moyens d’existence. La dégradation des ressources naturelles provoquée par le changement climatique affecte plus drastiquement les moyens d’existence des femmes.

Les changements climatiques affectent la santé mentale

Au moment des catastrophes naturelles, les efforts sont concentrés, souvent, sur les besoins immédiats tels que la nourriture, l’eau et l’abri. Les cicatrices invisibles laissées par ces événements tragiques peuvent perdurer au-delà des blessures physiques. Dans ces circonstances, ignorer la santé mentale des survivants revient à leur infliger une seconde souffrance, un fardeau qui pourrait, en quelque sorte, paralyser leur rétablissement. Il est, donc, incontournable d’intégrer la santé mentale dans ces réponses afin de garantir une récupération complète, efficace et durable.

Selon Dr Godelive Nimubona, psychiatre au Centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK), les catastrophes climatiques telles que les inondations et les glissements de terrains constituent des événements perturbateurs qui affectent le bien-être des individus. Elle fait savoir que ces événements sont à l’origine des conséquences significatives sur la santé mentale. Ils provoquent une désorganisation du psychisme et détériorent la qualité de vie en amplifiant les troubles mentaux.  « Lors des inondations, observer sa maison s’écrouler sous ses yeux et ses enfants en danger est une expérience profondément traumatisante. Que l’on soit à distance où à l’intérieur même de la maison, cette situation génère une douleur intense, comme si l’on était en train de pincer son cœur », déplore-t-elle.

Dr Godelive Nimubona, psychiatre au Centre neuropsychiatrique de Kamenge (CNPK). (Photo: Jean de Dieu Ndikumasabo)

Dr Nimubona précise, en outre, que les victimes des aléas climatiques se trouvent dans une situation où elles éprouvent une incapacité à faire face aux défis de la vie quotidienne : « Quand Ces individus nous consultent, ils manifestent une peur permanente d’un autre événement qui pourrait se reproduire. Ce sont des personnes qui ont des cauchemars récurrents et revivent sans cesse les mêmes événements traumatisants », révèle-t-elle.

Selon toujours cette psychiatre, cette expérience plonge dans un état d’hypervigilance où chaque instant est teinté d’une panique permanente comme si le danger pouvait se répéter. Leur quotidien est marqué par une alerte généralisée qui entrave leur capacité à vaquer normalement à leurs activités quotidiennes, explique-t-elle.

Dr Nimubona illustre cette situation par un témoignage touchant : « Ici au centre, nous avons un enfant d’environ 9 à 10 ans qui a été victime d’une catastrophe naturelle dévastatrice ayant entraîné l’effondrement de leur maison alors qu’il s’y trouvait avec sa famille. Malheureusement, déplore la psychiatre, il a perdu ses deux frères dans cet événement traumatisant. Bien qu’il ait survécu, il est toujours dans un état de choc et son état de santé mentale demeure préoccupant près de deux ans après la catastrophe. », témoigne-t-elle.  Elle admet que cet enfant manifeste une anxiété intense au point d’éprouver une peur irrationnelle d’entrer dans des espaces fermés. Il rencontre même des difficultés d’entrer dans son bureau pour d’éventuelles consultations. « Il craint que ces lieux ne soient également sujets à des effondrements similaires », souligne-t-elle.

Les femmes et les enfants en 1ère ligne face aux impacts du changement climatiques

Les catastrophes naturelles ont des impacts variés sur différentes catégories de la population. Parmi celles-ci, les enfants et les femmes sont souvent considérés comme particulièrement vulnérables.

Le Dr Nimubona précise que cette vulnérabilité peut être attribuée à plusieurs facteurs psychologiques, sociaux et économiques. Cette psychiatre fait savoir que les enfants n’ont pas encore acquis la maturité émotionnelle nécessaire pour comprendre ou gérer le stress et la peur associés aux catastrophes : « Normalement, les enfants sont fragiles, parce qu’ils n’ont pas déjà acquis leur maturité pour faire face à ces événements traumatisants », souligne-t-elle.

Pour les femmes, elle fait savoir que comme la maman est toujours avec l’enfant qui souffre continuellement, cela pèse sur elle et peut fragiliser son état de santé mentale. Pour le cas des femmes enceintes, Dr Nimubona fait remarquer que le fait de vivre constamment dans un environnement où elles ne se sentent pas à l’aise engendre des frustrations qui affectent leurs enfants car ceux-ci partagent les mêmes sentiments que leurs mères. « Ainsi, l’enfant commence à ressentir un mal être avant sa naissance », déplore-t-elle. Elle indique que si les conditions de vie d’une mère sont précaires, cela peut nuire à sa capacité à répondre aux besoins émotionnels de son enfant.  « Ce manque d’attention affective peut fragiliser l’enfant en entravant, en quelque sorte, le développement normal de sa personnalité. En conséquence, lorsque l’enfant sera confronté à des difficultés, il pourrait avoir du mal à en faire face en raison d’une fondation psychologique instable », explique-t-elle. De plus, ajoute-t-elle, les catastrophes naturelles peuvent amplifier ces effets néfastes sur les femmes enceintes en augmentant le risque de complications émotionnelles et psychologiques pour elles et pour leurs enfants.

Les femmes et les enfants en première ligne face aux impacts du changement climatique. Jean de Dieu Ndikumasabo

Bien que les hommes ne soient pas exempts de vulnérabilités face aux catastrophes naturelles, mentionne la psychiatre, leur capacité à gérer ces événements diffère de celle des enfants et des femmes. Par ailleurs, Dr Nimubona fait remarquer que lors des inondations ou des glissements de terrain, il arrive souvent que les hommes ne soient pas sur le lieu parce qu’ils sont à la recherche des subventions pour les besoins de leurs familles. Dans ces situations, ce sont fréquemment les femmes et les enfants qui se trouvent sur place, observant impuissamment la perte de leurs biens.

La stigmatisation : un obstacle majeur à l’accès aux soins pour les malades mentaux

La stigmatisation des malades mentaux est un phénomène social qui se manifeste par des attitudes négatives, des préjugés et des discriminations envers ces malades. Au Burundi comme ailleurs en Afrique, cette stigmatisation présente des conséquences profondes sur la vie quotidienne des personnes concernées, en particulier en ce qui est de l’accès aux soins de santé. En plus des attitudes sociales, il existe également d’autres obstacles économiques qui amplifient la situation.

Dr Nimubona souligne une profonde incompréhension de la maladie mentale au Burundi où elle est souvent perçue comme résultant d’une possession démoniaque ou d’un ensorcellement. Cette perception conduit de nombreux individus à consulter des féticheurs et à passer la plupart du temps dans des chambres de prière, ce qui aggrave leur état de santé. De plus, explique-t-elle, même ceux qui reconnaissent leur maladie hésitent à chercher de l’aide dans des centres neuropsychiatriques à cause de la stigmatisation sociale associée. Selon elle, les patients craignent d’être jugés ou pointés du doigt par leur communauté, ce qui les pousse à éviter, à tout prix, de telles institutions.

En conséquence, explique-t-elle, la plupart des patients sont souvent amenés de force par leurs proches car ils ne souhaitent pas admettre leur condition ni se soumettre aux traitements.  Dr Nimubona mentionne que cette stigmatisation entraîne un manque de valeur accordée à ces individus qui sont fréquemment exclus et pointés du doigt dans la société.

A part la stigmatisation, Dr Nimubona évoque un autre défi majeur auquel font face les patients, celui lié à l’accessibilité financière des médicaments. Elle souligne que ces médicaments sont coûteux et que la plupart des patients doivent les prendre sur une longue période. « Cela signifie qu’ils doivent disposer de ressources financières suffisantes pour s’en approvisionner régulièrement alors que beaucoup d’entre eux vivent dans des conditions précaires et ne peuvent pas se permettre d’acheter tous les médicaments nécessaires », déplore-t-elle.

Bien qu’il existe un soutien pour certains patients grâce à l’intervention du ministère en charge de de la Solidarité nationale, Dr Nimubona affirme qu’il subsiste un problème de paiement qui complique souvent la situation. En conséquence, précise-t-elle, ces patients reviennent souvent étant dans un état de rechute en raison de l’incapacité à obtenir les médicaments requis.

Dr Nimubona revient également sur certains symptômes où elle fait remarquer que le stress aigu et le stress post traumatique peuvent générer divers symptômes tels que l’inappétence, des douleurs physiques, un malaise général et des troubles du sommeil. Cependant, elle déplore le fait que les personnes touchées ne réalisent pas que ces manifestations sont liées à un événement traumatisant. Ces dernières croient à tort que ces symptômes disparaîtront d’eux-mêmes avec le temps. Dr Nimubona souligne également l’importance d’une aide psychologique immédiate après un événement traumatique : « En intervenant tôt, il est possible d’atténuer les effets durables du trauma et de favoriser un rétablissement efficace », rassure-t-elle.

Nadège Inamahoro, psychologue clinicienne et membre du Centre d’expertise en santé mentale et psychothérapie, souligne que les victimes des inondations voient leur santé mentale fragilisée. Dépossédées de tous leurs biens et confrontées à la détresse de leurs proches, ces victimes perdent le goût et le sens de la vie. « Un père de famille, voyant les siens sans abri et privés du minimum vital pour survivre, ne peut rester indemne face à une telle épreuve. Les crises sociales et les catastrophes naturelles ont un impact profond sur la vie psychique des victimes, les rendant particulièrement vulnérables », explique-t-elle. Elle indique que pour surmonter ces épreuves, les victimes ont besoin d’un soutien adéquat afin de se reconstruire et d’envisager un nouveau départ avec espoir et résilience.

S’exprimant sur la stigmatisation, Inamahoro fait remarquer que de par la culture burundaise, de nombreux stigmates sont associés à la santé mentale : « Lorsqu’une personne souffre de troubles mentaux, on a tendance à attribuer son état à l’ensorcellement ou à une malédiction. Au lieu de l’orienter vers des structures spécialisées en santé mentale, on la conduit souvent dans des cellules de prière ou chez des devins-guérisseurs, ce qui risque d’aggraver sa situation », confie-t-elle.

Elle déplore que les patients soient souvent abandonnés par leur famille et se retrouvent à errer dans les rues, sans prise en charge ni accompagnement. « Pour de nombreuses familles, il n’y a plus d’espoir pour ces personnes. Même lorsqu’un patient sort d’un centre psychiatrique, il est perçu avec méfiance et mis à l’écart, car son entourage craint toujours une rechute ».

Nadège Inamahoro, psychologue clinicienne et membre du Centre d’expertise en santé mentale et psychothérapie. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Les changements climatiques amplifient les conflits fonciers

Les conflits fonciers ne sont pas nouveaux, ils ont été résolus depuis longtemps par les Bashingantahe, par les cours et tribunaux et par des administrateurs des communes bien que cela ne soit pas dans leurs compétences. Ainsi, le glissement de terrain sur la colline Gabaniro-Kirasa n’a pas seulement causé des pertes matérielles et humaines, mais il a également déclenché une crise foncière complexe qui risque de menacer la stabilité sociale de cette localité.

En effet, Gabaniro-Kirasa est une colline de la zone Gitaza, en commune Muhuta de la province Rumonge, qui a été gravement touchée par le phénomène El Niño. De fortes pluies torrentielles ont provoqué un glissement de terrain, a contraignant environ 500 ménages à quitter les lieux. Cet incident a causé d’importants dégâts matériels et entraîné un décès. Environ 2500 personnes se sont retrouvées sans abri et 500 hectares de terres cultivées ont été endommagés.

Bienvenu Ntakirutimana, un des sinistrés, décrit le début et le déroulement des événements : « C’est au cours de la journée que les premiers signes avant-coureurs ont commencé à se manifester. La localité, à proximité des locaux du centrale hydroélectrique, s’est fissurée, laissant présager un danger imminent. Les autorités locales ont alors alerté la Croix-Rouge et la plateforme nationale de prévention des risques et de gestion des catastrophes. A leur arrivée, elles ont confirmé la menace et ont exhorté les habitants de la place à quitter les lieux avant que la situation ne s’aggrave. Aux environs de 18 heures, alors que les personnes rentraient de leur travail, la catastrophe nous a pris de court. Les gens ont commencé à crier et à fuir lorsque la montagne s’est mise à glisser ».

Suite à ce glissement, les propriétés foncières se sont entremêlées au point qu’il est devenu difficile, voire impossible, de les distinguer. Avant la catastrophe, ces terres étaient principalement occupées par des bananeraies et des palmiers à huile, en plus des habitations et des cultures vivrières telles que le maïs, les haricots et le manioc, etc.

Environ une année après la catastrophe, seuls les bananiers et les palmiers à huile restent visibles, mais ils ne se trouvent plus à leur emplacement initial en raison du mouvement du sol. Face au danger, le gouvernement a déclaré la zone inhabitable. Cependant, les anciens occupants résistent à cette interdiction et tentent toujours d’y cultiver malgré les risques encourus.

Cette situation a engendré des conflits fonciers exacerbés par le déplacement des terres. Les anciens propriétaires ne parviennent pas à s’accorder sur les nouvelles limites de leurs terrains ni sur la répartition des bananiers et palmiers à huile déplacés. Par exemple, lorsqu’un propriétaire possédait sept palmiers à huile ou bananiers qui ont glissé sur la propriété d’un voisin, il les revendique, mais son voisin les lui refuse, signifiant que ses propres arbres se sont également déplacés sur d’autres parcelles.

Un autre problème majeur concerne la déclaration des superficies foncières. Certains anciens propriétaires, dont les terrains mesuraient initialement 4 ares, affirment désormais qu’ils possédaient 16 ares, dix-huit, voire même plus. Ces revendications exagérées compliquent davantage la situation et alimentent les tensions entre les habitants.

Vue partielle de la Colline Gabaniro-Kirasa, sévèrement engloutie par un glissement de terrain et actuellement source de conflits et de tensions entre ses anciens occupants. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

L’administration locale demande aux anciens occupants de respecter les mesures telles que prises par le gouvernement, qui a déclaré cette localité inhabitable. « Eu égard aux conflits fonciers qui pourraient survenir, mais aussi à la fragilité de la montagne, déjà vulnérable aux glissements de terrain, le gouvernement a déclaré cette zone inhabitable. Ainsi, les sinistrés sont tenus de respecter scrupuleusement ces mesures en attendant d’être relocalisés vers un endroit plus sûr », souligne Jules Nibogora, un responsable administratif de la localité.

Des vies bouleversées : témoignages des victimes

Pierre Ndikumasabo (époux) et Yvette Nsabimana (épouse) forment un couple qui a perdu leur fils, Samuel Niyomwungere (5 ans 2 mois), suite au glissement de terrain à Gabaniro de la zone Gitaza en commune Muhuta. Ndikuriyo décrit avec une profonde émotion, les circonstances de la disparition brutale et soudaine de son fils : « Aux environs de 18 heures, les gens commençaient à fuir, avertis d’un danger imminent. Le repas était prêt, et nous avons rassemblé tous les enfants pour manger avant de partir. Tous se sont attablés, sauf Niyomwungere (disparu), qui a refusé : « Je ne vais pas manger. Pardon, je n’ai pas d’appétit, je mangerai demain ». Après le repas, nous avons commencé à sortir les objets ménagers, les ustensiles de cuisine et d’autres biens pour prendre la fuite. Pendant ce temps, Samuel s’était discrètement allongé pour dormir, à notre insu », témoigne-t-il.

Selon Ndikumasabo, ils sont partis, convaincus que leurs sept enfants étaient tous avec eux. Une fois arrivés sur la route nationale n°3 (RN3), ils ont déposé leurs affaires pour souffler un instant. Et du coup, des crépitements et des secousses ont commencé à retentir, provoquant une débandade générale. « En faisant le point, j’ai soudain remarqué qu’il manquait un enfant. C’était Samuel. Paniqués, nous avons cherché des explications, émis plusieurs hypothèses, mais en vain.

Au milieu de la nuit, nous avons appris que l’administrateur communal, présent lors du drame, aurait évacué plusieurs enfants vers le chef-lieu de la commune Gitaza, pour les mettre à l’abri. Sans nouvelles de Samuel, l’angoisse a grandi », raconte-t-il.  Tôt le lendemain matin, Ndikumasabo s’est rendu à Gitaza dans l’espoir de retrouver son fils parmi les enfants secourus. Mais en arrivant, il a dû se rendre à l’évidence :« Niyomwungere n’était pas là. Je suis rentré à Gabaniro, désespéré ».

Selon toujours Ndikumasabo, aux environs de 10 heures, leur fils aîné est retourné sur les lieux du drame pour récupérer son passeport oublié. « En fouillant parmi les décombres de notre maison en briques d’adobe, il a fait une découverte tragique : au lieu de son passeport, il a trouvé le corps sans vie de son petit frère, écrasé sous les gravats. Sous le choc, il a poussé un cri d’alerte avant de s’effondrer. Nous avons accouru et découvert, horrifié, le corps inerte de Samuel Niyomwungere ».

« J’ai vécu et je vis encore les moments les plus difficiles de ma vie. La disparition brusque et brutale de Samuel a laissé en moi des traces indélébiles et des traumatismes profonds. Il en est de même pour ses petits et grands frères. Depuis cette tragédie, je n’arrive plus à dormir sereinement. Les cauchemars sont devenus mes compagnons intimes, et la dépression s’installe de plus en plus dans mon quotidien », se lamente Yvette Nsabimana, la mère du disparu. Elle reconnaît qu’elle a été une victime des aléas climatiques, mais pas au même degré que les autres : « Je sais mieux que quiconque les conséquences dévastatrices des changements climatiques. Mes voisins ont perdu leurs biens matériels, mais moi, j’ai tout perdu : mes biens matériels et le fruit de mes entrailles. La blessure est encore trop fraîche pour oublier cet événement, et il me faudra du temps pour guérir », se désole-t-elle.

« C’était lui qui m’annonçait le lever du soleil. Chaque matin, il toquait à ma porte et disait : « Bibi » (mot swahili qui signifie grand-mère), lève-toi, le soleil se lève. Je vis cette absence comme une épreuve sacrée, une souffrance que je porte chaque jour », raconte d’une voix lasse Béatrice Bansekako, la grand-mère du disparu.

Pierre Ndikumasabo et sa femme Yvette Nsabimana, entourés de certains de leurs enfants, tentent de se reconstruire après avoir tout perdu dans un glissement de terrain. Arrachés à leur foyer, ils trouvent refuge dans une modeste maison louée à Gitaza, portant avec eux le poids de l’incertitude, mais aussi l’espoir fragile d’un nouveau départ. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Jean de Dieu Nkeshimana vit à Nkenga Busoro, une localité touchée par des glissements massifs de terrain qui a englouti environ 230 ménages. Sa maison a été complètement emportée, laissant sa famille dans le désespoir. Avec sa femme et ses enfants, il tente de survivre dans les ruines de leur domicile, cherchant à réhabiliter ce qui reste.  Cette famille se trouve confrontée à des conditions de vie extrêmement difficiles. Il explique qu’ils vivent littéralement sous les décombres, ce qui souligne l’urgence et la gravité de la situation.  La perte de leur maison ne représente pas seulement un défi physique, mais également émotionnel et psychologique pour la famille.

Nkeshimana n’a pas d’emploi stable et dépend principalement d’activités informelles pour subvenir aux besoins quotidiens. Il se consacre au curage du sable et du gravier dans la rivière Kanyosha, un travail souvent précaire et mal rémunéré. Sa femme, quant à elle, vend des avocats dans les rues, une activité également vulnérable aux fluctuations du marché ou aux aléas économiques. Leurs revenus sont insuffisants pour couvrir les besoins mensuels essentiels tels que la nourriture, l’éducation des enfants et les soins médicaux.

Il exprime son inquiétude quant à la reconstruction de leur maison. Il souligne que leurs revenus n’arrivent pas à satisfaire leurs besoins fondamentaux : « Nos ressources ne peuvent pas satisfaire nos besoins », s’inquiète-t-il. La détresse exprimée par Jean de Dieu Nkeshimana est palpable. Il se demande ainsi où il pourra trouver les moyens, surtout financiers, pour la reconstruction après le passage des catastrophes naturelles : « Je me demande où je trouverai les moyens pour la reconstruction de ma maison », s’alarme-t-il.

Jean de Dieu Nkeshimana, victime des glissements de terrain à Nkenga Busoro, accompagné de sa femme portant leur enfant. Leur maison a été complètement emportée. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Vella Harerimana est une femme âgée   de 70 ans rencontrée au site de Gisagara qui héberge les déplacés des inondations dévastatrices de Gatumba. Avant les inondations, elle vivait à Gatumba dans le quartier Mushasha. Elle décrit avec émotion le déroulement des événements qui ont laissé une multitude de personnes dans la désolation totale. Elle indique que les événements se sont produits trois fois en l’espace de moins d’une année, mais la dernière a été la plus meurtrière par rapport aux autres. « La première fois, le lac Tanganyika nous a surpris en pleine nuit en inondant nos maisons. N’eût-été l’intervention de la police de la protection civile, de la Croix-Rouge et des autorités locales, nous serions tous engloutis », raconte-t-elle.

Elle précise qu’ils ont été contraints de déménager pour s’installer dans les salles de classes d’une école environnante qui n’a pas été atteinte par les inondations. « Après un certain temps, nous sommes retournés dans nos maisons respectives, mais là aussi, les inondations n’ont pas désarmé. En moins d’une année, elles sont venues avec une plus grande férocité », déplore-t-elle. Elle explique que l’administration, la Croix-Rouge et la police de protection civile ont décidé de les délocaliser à Maramvya, dans un site dénommé SOBEL aménagé à cet effet. « Ainsi, nous avons été contraints de quitter nos maisons pour nous installer désespérément dans des tentes », raconte-elle.

Selon Harerimana, après quelques mois passés dans le site de Sobel, ils décidèrent encore une fois de retourner dans leur village natal. L’administration, assistée par des organisations humanitaires, décida de leur louer des maisons. « On a loué des maisons pour nous, mais l’action humanitaire n’a duré que le temps de la rosée. Les loyers ont augmenté de manière vertigineuse, et la somme destinée à couvrir les loyers est devenue insuffisante », souligne-t-elle. C’est ainsi qu’ils décidèrent de retourner vivre dans les décombres de leurs maisons. Les pluies torrentielles, déchaînées par El Niño, continuaient à frapper avec une violence redoutable.

En termes de pertes, elle déplore le fait que durant tous ces événements tragiques elle a perdu tous ses biens. Ses six chèvres, les ustensiles de cuisine et d’autres objets ménagers qui se trouvaient dans sa maison ont tous été engloutis. Sa maison, elle aussi, n’est plus. Elle vit maintenant dans le site de Gisagara, dans la désolation totale, dépourvue de tous ses biens. « Nous vivons dans des conditions précaires sous le coup des intempéries, le soleil accablant et le froid. Avant, je n’aurais jamais imaginé qu’un jour, je serais dans de telles conditions, dormant dans des tentes sous l’alternance de la chaleur et du froid, sans aucun bien », se plaint-elle.  Elle raconte que son mari, qui est décédé, lui avait laissé une belle maison mais que celle-ci a été complètement submergée et engloutie par les eaux du lac Tanganyika. « J’avais une belle maison que mon mari m’a laissée, mais malheureusement, je suis maintenant à la merci des crocodiles et des hippopotames », regrette-t-elle.

Elle se réjouit, toutefois, d’avoir échappé de justesse à ces inondations mais indique qu’elle n’est pas du tout satisfaite de la vie qu’elle mène en tant que déplacée climatique : « Je ne suis plus sous la menace des eaux du lac Tanganyika et cela est un soulagement. Mais les conditions dans lesquelles nous vivons ici sont précaires », témoigne-t-elle. Elle affirme qu’à cet endroit, la foudre frappe régulièrement, causant des décès et laissant les familles dans le deuil. Nkeshimana révèle qu’elle a considérablement perdu du poids à cause du stress et des conditions de vie difficiles auxquelles elle fait face. Elle demande que les déplacés de ce site puissent être réinstallés dans un autre endroit plus ou moins confortable.

Abdoul Karim Muzinga, responsable de ce même site les tranquillise : « Les hautes autorités sont déjà au courant de toutes ces souffrances, raison pour laquelle ce site a été déclaré temporaire. Déjà, environ 211 personnes ont été délocalisées vers un nouveau site à Gateri, tandis que 618, autres mais aussi ceux qui sont encore à Gatumba, sont sur la liste d’attente pour y être acheminées. C’est un travail qui sera mené de façon progressive, d’où mon appel à la patience ».

Le site de Gateri est situé à environ 300 m de la rivière Rusizi qui marque la frontière entre la République démocratique du Congo. Il est établi sur un terrain caillouteux et se trouve à 5 km du chef-lieu de la commune Buganda, l’une des communes de la province de Cibitoke.

Vue partielle du site de Gateri, abritant actuellement environ 6 000 personnes déplacées à la suite des inondations à Gatumba.( Photo: Jean de Dieu Ndikumasabo)

Suavis Ndikumwenayo est une autre femme rencontrée dans ce même site. Elle est veuve et a 6 enfants. Avant les inondations, elle vivait en zone Gatumba dans le quartier Mushasha I. Son mari a été dévoré par un crocodile. Avec un ton de chagrin, Ndikumwenayo décrit le déroulement des événements et les circonstances de la mort de son époux. “ C’était aux environs de 2h du matin quand les eaux du lac Tanganyika nous ont envahi. Mon mari a réussi à nous sauver la vie, moi et mes 6 enfants”, témoigne-t-elle.

Après avoir sauvé la vie de sa famille, le mari retourna dans le quartier pour tenter de récupérer quelques biens mobiliers restés dans la maison. Malheureusement, il y a perdu sa vie : « Le lendemain, après nous avoir sauvé, mon mari est retourné au quartier pour essayer de récupérer les biens mobiliers qui étaient restés dans notre maison. Il a été dévoré par un crocodile qui l’a coupé en deux », se plaint-elle.

Elle témoigne que sa vie a été totalement bouleversée et affirme qu’elle a été traumatisée par ces inondations. Elle se dit être envahie par le souvenir des inondations : « Parfois, en pleine journée, les souvenirs de ce que j’ai vécu me reviennent de façon répétitive. Mes nuits sont parfois caractérisées par des cauchemars suite à ces événements douloureux et traumatisants que j’ai vécus ».

Ndikumwenayo raconte que des fois, lorsque la pluie tombe la nuit, les enfants s’inquiètent que les tentes puissent s’écrouler, ce qui provoque des cris de peur. Face à cette angoisse, Ndikumwenayo envisage même l’idée de démons et fait appel à des personnes pour l’aider à prier. Elle souligne que les nuits pluvieuses deviennent ainsi un moment de tension et d’incertitude pour les familles vivant sous des tentes. Elle estime tout de même que la peur de l’effondrement et des forces invisibles amplifie le stress déjà présent dans leur quotidien.

Sophie Niyonkuru, l’une des victimes des inondations de Gatumba, plaide pour une augmentation du personnel soignant dans les camps. Elle souligne que le site est densément peuplé et que le personnel médical y affecté n’est présent que pendant la journée. Cette situation pose un sérieux problème, car en dehors des heures de service, il n’y a personne pour prendre en charge les malades ou les urgences. Elle explique que si une personne tombe malade pendant la nuit ou qu’une femme sur le point d’accoucher a besoin d’aide, ils sont contraints de se rendre à l’extérieur du camp, ce qui représente un fardeau considérable pour eux. Elle demande donc qu’il y ait du personnel médical suffisant au camp afin d’assurer une permanence de nuit.

Par ailleurs, Niyonkuru met en lumière une difficulté spécifique aux femmes. Elle évoque le manque d’accès aux protections hygiéniques en raison des conditions financières précaires causées par le phénomène El Niño qui a englouti tous leurs biens. Cette situation expose de nombreuses femmes aux infections et autres maladies liées à une mauvaise hygiène menstruelle.

Face à ces défis, elle appelle à une prise de conscience et à des mesures visant à améliorer les conditions sanitaires et l’accès aux soins des populations affectées par ces inondations.

Sophie Niyonkuru, l’une des victimes des inondations de Gatumba. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Quand la promiscuité brise l’intimité et met les couples à rude épreuve

De nombreux hommes victimes des inondations et glissements de terrains rencontrés dans les différents camps de déplacés climatiques expriment leur frustration et préoccupation en raison de la diminution de leurs rapports sexuels, souvent attribuée aux conditions de vie précaires dans des tentes avec leurs enfants. Ces environnements restreints limitent non seulement leur intimité, mais créent également une atmosphère où le besoin sexuel est difficile à satisfaire. La cohabitation avec les enfants dans un espace confiné génère des préoccupations défavorables à leur vie sexuelle.

« Les inondations nous ont privés de tout, y compris la possibilité d’avoir des rapports sexuels. Les conditions précaires imposées par ces inondations nous ont rendus victimes de cette situation », témoigne Hussein Sibomana, une victime des inondations de Gatumba rencontré dans le Site Kinyinya.

Il souligne que vivre sous une tente complique énormément la vie intime. Les espaces sont exigus, parfois même étouffants, laissant peu ou pas de place à l’intimité. Selon lui, avec les enfants qui dorment tout près, impossible de s’isoler. Certains finissent par abandonner toute idée de moments en couple, faute de solutions. Sibomana fait savoir également que la promiscuité, le bruit, et le manque d’intimité transforment la vie de couple en un vrai casse-tête.

Hussein Sibomana, une victime des inondations de Gatumba, rencontré sur le site de Kinyinya. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

« Il faut comprendre que ces événements sont des facteurs favorisant la diminution des besoins sexuels. Parmi les symptômes du stress ou bien des pathologies mentales liées à ces facteurs de stress, donc à ces événements traumatiques, il y a la diminution de leur envie de la sexualité. Pour d’autres, vu les conditions dans lesquelles ils vivent, le besoin peut diminuer car même si ce besoin est là, ils sont dans l’incapacité de le satisfaire », réagit Dr Godelive Nimubona, psychiatre au CNPK. Selon elle, cette situation a un impact négatif sur le bien-être individuel. Elle souligne, en outre, que les rapports conjugaux constituent des éléments essentiels du bien-être individuel et jouent un rôle prépondérant dans la fortification de la famille.

Selon elle, cela a un impact négatif car ça diminue le bien-être individuel. Les rapports conjugaux constituent en effet des éléments essentiels du bien-être individuel. De plus, ils jouent également un rôle crucial dans le renforcement de la famille. « Donc, il y a un élément essentiel au bien-être qui n’est pas satisfait, ce qui peut rendre les individus plus fragiles. Si ce manque se manifeste dans d’autres éléments manquants, cela constitue un facteur supplémentaire susceptible d’entraîner une perturbation », insiste-t-elle.

Les femmes ne se sont pas exprimées sur ce sujet, ce qui pourrait être attribué au fait que, dans la culture burundaise, les femmes ne parlent pas de la sexualité. En effet, au Burundi et dans de nombreuses sociétés africaines, la sexualité est souvent considérée comme un sujet tabou. Dès leur jeune âge, les filles sont généralement éduquées à ne pas parler de leurs désirs ou de leurs expériences sexuelles. La situation des femmes au Burundi, en particulier en ce qui concerne leur expression sur des sujets liés à la sexualité, est profondément enracinée dans les normes culturelles et sociales du pays. Au Burundi, les traditions et les valeurs communautaires jouent un rôle prépondérant dans la vie quotidienne. Il existe souvent une stigmatisation associée à la discussion ouverte sur la sexualité, surtout pour les femmes.

La situation vécue par ces sinistrés des changements climatiques illustre les défis auxquels des milliers d’autres personnes se trouvant dans des situations similaires sont confrontées après les catastrophes naturelles. Leurs luttes quotidiennes pour survivre tout en essayant d’imaginer un avenir meilleur est un appel poignant à la solidarité et au soutien.

Ports inondés, plages effacées : le lac Tanganyika a subi la colère d’El Niño

Le lac Tanganyika a dépassé la barre de 776 m alors qu’il ne dépassait pas 775 m il y a seulement quelques années. Selon les experts, cette montée n’est pas nouvelle. Le lac Tanganyika déborde souvent ses rivages en défaveur des riverains qui en subissent les conséquences. En 1963-1964, il a débordé ses berges mais il y a eu moins de dégâts car peu de gens habitaient sur ses rives.

La montée des eaux du lac Tanganyika a également profondément affecté les investisseurs ayant aménagé des plages sur ses rives. Caravane Beach est l’un des bars érigés sur les plages de ce lac qui ont été les plus touchés. Philippe Hakizimana, le gérant de cet établissement, affirme que les inondations ont emporté plus de 80 % de l’espace total. Des paillotes ainsi que des espaces aménagés pour les loisirs, dont un terrain de football, ont tous été engloutis.

Philippe Hakizimana,  gérant du bar Caravane Beach, qui a été touché par la montée des eaux du lac Tanganyika. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Le personnel a été considérablement réduit. « Avant, nous étions 20 employés à temps plein, mais nous ne sommes plus que six. Même si les calculs pour évaluer les pertes n’ont pas encore été faits, elles sont énormes », a-t-il déploré. Selon lui, les pertes peuvent être estimées à 80 %. « Avant les inondations, et surtout pendant les week-ends, nous pouvions installer 60 tables, mais actuellement, nous n’en utilisons que quatre, et elles ne sont même pas toutes occupées ».

Hakizimana estime que cette situation représente une perte considérable, non seulement pour le pays, mais aussi pour de nombreuses familles. « Ici, des jeunes avaient un emploi, mais à la suite de ces inondations, ils l’ont automatiquement perdu », souligne-t-il.

Vue du Bar Caravane Beach, durement frappé par les inondations provoquées par la montée des eaux du lac Tanganyika. ( Photo: Jean de Dieu Ndikumasabo)

Le port de Bujumbura, un pôle stratégique pour les échanges régionaux, figure parmi les sites qui ont été les plus touchés par El Niño. Les effets dévastateurs de la montée des eaux du lac Tanganyika ont gravement perturbé les opérations de chargement et de déchargement des marchandises. Des responsables du port ont témoigné de l’ampleur des dégâts, précisant que plusieurs entrepôts, dont les stocks H7, H8 et H6, ont été inondés.

Vue partielle des hangars du port de Bujumbura qui ont été affectés par la montée des eaux du lac Tanganyika, une conséquence de l’impact d’El Niño sur les infrastructures portuaires. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Les infrastructures vitales situées le long du lac Tanganyika, de Gatumba à Kabonga, ont été profondément affectées par les événements climatiques extrêmes liés à El Niño. Les inondations et les glissements de terrain résultant de ces conditions météorologiques ont causé des dommages énormes aux routes, ponts, infrastructures et autres installations vitales pour le transport et l’approvisionnement en ressources.

Vue d’un boulevard longeant le lac Tanganyika, dévasté par les inondations causées par la montée des eaux. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Solutions durables pour atténuer les risques climatiques au Burundi : les recommandations d’experts

Rénilde Ndayishimiye, Directeur de l’environnement et des changements climatiques à l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), indique que la question de l’environnement et du changement climatique revêt un engagement personnel, familial, mais aussi administratif à tous les niveaux. Cet engagement s’étend de l’entité collinaire à la province, jusqu’à l’échelle nationale. Elle souligne que le Burundi dispose d’une politique et d’une stratégie en matière de résilience climatique et d’adaptation, et que la volonté de mise en œuvre est bien présente. Cependant, précise-t-elle, le changement doit aussi passer par une transformation des comportements individuels et collectifs.

Ndayishimiye revient, par ailleurs, sur les défis majeurs auxquels le Burundi est confronté dans l’atténuation des changements climatiques. « Le premier défi est le manque de financements suffisants, qui limite les capacités d’action du pays. Le deuxième défi réside dans le besoin d’une sensibilisation accrue pour induire un changement de comportement au sein de la population ». Elle souligne que le changement climatique est causé principalement par les pays développés, mais que l’absence de mesures adaptatives au niveau national renforce la vulnérabilité du Burundi.

Selon elle, la coupe excessive des arbres pour le bois de chauffage et l’agriculture entraîne une érosion accrue des sols. Il est donc crucial de lutter contre la déforestation, mais aussi contre l’érosion et la dégradation des terres. Elle estime que disposer de prévisions fiables sur les précipitations revêt un caractère prépondérant car leur irrégularité provoque des inondations et des périodes de sécheresse, menaçant ainsi la sécurité alimentaire.

Par ailleurs, la perte de biodiversité est une réalité inquiétante, souvent subie de manière impuissante par la population, mais parfois aussi causée par des activités anthropiques. Ndayishimiye indique qu’il est crucial de renforcer les politiques de réhabilitation forestière et de protéger les forêts existantes, en particulier les aires protégées. « Sans elles, l’incidence des maladies risque d’augmenter. Les forêts jouent un rôle essentiel dans la purification de l’air et le maintien d’un environnement sain.

Il est également indispensable de promouvoir des pratiques agricoles durables, notamment l’agroforesterie et le compostage, afin d’améliorer la fertilité des sols tout en limitant l’usage des engrais chimiques », explique-t-elle. Elle insiste sur la nécessité de développer des infrastructures résilientes face aux changements climatiques. Par ailleurs, elle recommande d’investir dans les énergies renouvelables, telles que l’énergie solaire, le biogaz et l’hydroélectricité.

La sensibilisation au niveau communautaire est tout aussi essentielle : « Il faut encourager les populations à adopter des pratiques écologiques, à reboiser, à gérer efficacement l’eau et à utiliser de manière rationnelle les ressources naturelles. Des formations sur les méthodes agricoles adaptées au climat, la solidarité environnementale et les jardins familiaux devraient être organisées ».

Au niveau individuel, poursuit Ndayishimiye, chacun peut agir en plantant des arbres et en réduisant l’utilisation du bois grâce à des alternatives comme le biogaz, l’énergie solaire ou les foyers améliorés. Elle encourage également l’adoption de pratiques agricoles durables.

Elle estime qu’un véritable changement de comportement est nécessaire à tous les niveaux : individuel, familial, communal et villageois. Selon elle, l’action locale est primordiale pour atténuer les effets du changement climatique et assurer un avenir plus durable.

Rénilde Ndayishimiye, Directeur de l’environnement et des changements climatiques à l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE). (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Le Docteur Athanase Nkunzimana et Tharcisse Ndayizeye, en tant qu’experts en environnement, proposent alternativement des solutions envisageables ainsi que des mesures que les parties prenantes pourraient adopter afin d’atténuer les effets néfastes des changements climatiques et de favoriser l’adaptation.

Le Dr Nkunzimana révèle les mesures préventives à adopter pour limiter ou prévenir l’expansion des inondations du lac Tanganyika. Il indique qu’il est nécessaire de revoir les normes du Code de l’eau afin d’évaluer si les dispositions actuelles sont toujours respectées. « Il est possible que la limite des 150 mètres prévue ne soit plus suffisante ni respectée. Une meilleure approche consisterait à délimiter la zone tampon en fonction de l’altitude, par exemple en fixant cette limite à 780 ou 785 mètres. Il devient alors impératif de revoir la délimitation de la zone inondable et de relocaliser les populations vivant dans les zones concernées. Les habitants des localités les plus touchées, notamment à Kibenga Lac et à Gatumba, devraient être relogés dans des zones sécurisées afin de laisser ces régions comme zones tampons », suggère-t-il.

Selon toujours lui, la réglementation sur la limitation de cette zone tampon doit être redéfinie en tenant compte de l’élévation plutôt que de la distance en mètres, car 150 mètres peuvent toujours se situer dans une zone inondable. Concernant les infrastructures situées au bord du lac, il estime qu’elles devraient être construites selon les standards internationaux pour résister aux inondations. Cependant, nuance-t-il, au Burundi, les ressources financières pour de telles constructions font défaut, d’où il serait donc plus judicieux de libérer entièrement la zone tampon.

Le code de l’eau 2012 interdit de construire dans l’espace de 150 m à partir du bord du lac Tanganyika compte tenu du niveau le plus élevé que les eaux de ce lac ont atteint dans leurs crues périodiques. Pour les autres lacs du pays (lacs du Nord), la limite est de 50 mètres, soit 25 mètres sur chacun des bords des affluents du lac Tanganyika et 5 m à partir des autres rivières du pays.

En ce qui concerne les glissements de terrain, notamment dans la région des Mirwa, il est essentiel de revoir les stratégies d’aménagement. C’est ainsi qu’il recommande de recouvrir les collines de végétation afin d’accélérer l’infiltration des eaux de pluie, car les glissements de terrain et les éboulements surviennent généralement après de fortes précipitations. De plus, ajoute-t-il, les aménagements agricoles doivent respecter les normes environnementales. « Il faut également repenser les modes de construction, car de nombreuses maisons sont perchées sur des pentes abruptes, dans des zones marginales et inconstructibles. L’absence de systèmes de drainage appropriés amplifie le ruissellement, favorisant ainsi la formation de ravines qui déclenchent des glissements de terrain », recommande-t-il.

Le déboisement des collines est un autre facteur aggravant : « Lors de fortes pluies, les rivières traversant Bujumbura se transforment en torrents, charriant des débris tels que pierres, troncs d’arbres et sédiments, obstruant les cours d’eau et exacerbant les inondations, comme cela est observé avec la rivière Kanyosha. Il est donc essentiel de respecter scrupuleusement les zones tampons au niveau des rivières et d’éviter leur exploitation abusive, car cela fragilise encore davantage ces régions à relief accidenté. Autrefois, la présence de forêts galeries autour des rivières permettait de limiter l’apport de débris et de stabiliser les sols. Or, aujourd’hui, ces zones sont exploitées pour l’agriculture et l’habitat, augmentant le ruissellement et diminuant l’infiltration des eaux de pluie. Il devient donc urgent d’augmenter le coefficient d’infiltration par une végétalisation accrue des collines des Mirwa ».

Dr Nkunzimana souligne, enfin, que la vulgarisation de techniques agricoles respectueuses de l’environnement, incluant la plantation d’arbres compatibles avec l’agriculture, est essentielle pour stabiliser les sols et réduire les risques de glissements de terrain et d’éboulements.

Pour renforcer la résilience des populations face aux défis causés par la montée des eaux du lac Tanganyika, l’expert estime qu’il est essentiel d’adopter une approche logique : « Lorsqu’on cherche à se protéger des inondations, le premier réflexe doit être l’évacuation : quitter les zones inondables et à risque. Ensuite, il est crucial d’explorer d’autres moyens de subsistance et de s’adapter à un nouvel environnement ».

Par ailleurs, il souligne l’importance de comprendre que ces inondations ne sont pas un phénomène isolé : « Même en cas de retrait temporaire des eaux, les études montrent que d’autres épisodes de montée des eaux surviendront. Par conséquent, les populations concernées doivent prendre conscience que rien ne vaut la vie et qu’il est préférable de s’installer ailleurs, plutôt que de rester dans une zone de plus en plus exposée aux inondations ».

Le Dr Nkunzimana transmet un message aux décideurs politiques burundais et à la communauté tant nationale qu’internationale concernant la gestion des risques hydrométéorologiques : « Face aux risques hydrométéorologiques, il est essentiel que le gouvernement prenne des mesures efficaces et sollicite l’appui international en cas de catastrophe pour soutenir les populations affectées. L’Etat doit renforcer la prévention et la protection des citoyens, comme cela a été fait pour les sinistrés de Gatumba et Gabaniro. La solidarité locale est également cruciale pour aider les victimes. Enfin, il est primordial d’adopter une culture du risque en s’informant avant toute construction ou exploitation des terres afin de minimiser les impacts des catastrophes naturelles ».

À Gatumba, certaines personnes affichent une certaine résistance et refusent de quitter les décombres de leurs maisons dévastées par des inondations. Elles ont préféré rester à proximité plutôt que d’être installées dans des camps de rassemblement, comme les autres sinistrés. Le Dr Godelive Nimubona, psychiatre, ne confirme pas que ce comportement est lié à des troubles de santé mentale, mais elle réagit et donne son avis par rapport à ce cas.

A Gatumba, des victimes des inondations résistent et refusent de quitter les décombres de leurs maisons dévastées, préférant rester à proximité plutôt que de rejoindre les camps de rassemblement. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

« Je dirais, pour répondre à cette question, que ces personnes ont peur d’affronter les difficultés de la vie. Peut-être qu’elles craignent que, si elles quittent cet endroit, elles ne puissent plus vivre comme avant. Cependant, elles ne réalisent pas non plus le danger qu’il y a en restant à cet endroit. Ces personnes éprouvent des difficultés à déménager par crainte des obstacles liés à ce changement », déclare-t-elle. Selon Nimubona c’est un problème, car en restant sur place, elles s’exposent à de nombreux tracas. Elle estime qu’il est essentiel d’agir en amont en préparant ces personnes à l’avance et les aider à se relocaliser avant que la situation ne devienne critique.

Tharcisse Ndayizeye insiste, quant à lui, sur l’importance de la mise en place des activités non seulement sur les rivières qui se jettent dans le lac Tanganyika, mais également sur le lac Tanganyika lui-même. Par ailleurs, il met particulièrement l’accent sur la rivière Rukuga, qui joue le rôle d’exutoire du lac Tanganyika. Selon lui, il est essentiel de concentrer les efforts sur cette rivière pour mieux réguler l’écoulement des eaux du lac et éviter les risques d’inondation.

« D’abord, il serait pertinent de construire des barrages sur les principales rivières que j’ai mentionnées : la Rusizi, la Maragarazi, l’Ifume, la Runangwa et la Ruvubu, avec l’objectif de réguler la quantité d’eau qui se déverse dans le lac Tanganyika. La deuxième proposition consiste à effectuer des curages pour éliminer les sédiments qui se déversent chaque jour. Les montagnes qui étaient autrefois couvertes de végétation sont aujourd’hui envahies par des champs et des habitations. Ainsi, lors de chaque précipitation, toute la terre provenant de ces montagnes se retrouve dans le lac Tanganyika », confie-t-il.

Selon lui, le lac Tanganyika est de plus en plus chargé de boue et de sédiments. Même si la quantité d’eau reste la même, l’accumulation de sédiments finit par provoquer des débordements.  Il souligne la nécessité de prévoir des curages réguliers pour éliminer les sédiments qui s’accumulent, mais il reste convaincu que ces opérations nécessitent des investissements considérables. Cependant, il estime que cette activité reste indispensable pour éviter que la situation ne se reproduise.

Ndayizeye souligne, aussi, l’importance de mener une étude régionale afin d’identifier les zones inondables et à haut risque. « Il est crucial d’empêcher la construction dans ces zones, car cela présente des risques considérables. Investir dans de telles zones revient à accepter la perte potentielle de cet investissement en cas d’inondation », explique-t-il.

Cet expert en environnement met en évidence les menaces des rivières qui traversent la ville de Bujumbura, telles que Ntahangwa, Kanyosha, Muha et Nyabagere, à l’égard des populations et la nécessité de protéger ces dernières contre les toxiques qui, en revanche, constituent une menace pour le lac Tanganyika : « Ces petites rivières peuvent représenter une menace en transportant des déchets toxiques qui polluent le lac Tanganyika, mettant ainsi en danger sa faune et sa flore. Ce lac est reconnu pour sa biodiversité exceptionnelle. Les recherches se poursuivent, et il a été découvert qu’il abrite environ 1 500 espèces de poissons », révèle-t-il.

Etant donné que le Burundi dispose des forêts immenses qui séquestrent le CO2, le chercheur Ndayizeye propose au Gouvernement de revendiquer la mise en application du principe pollueur-payeur afin que les pays responsables des émissions des gaz à effets de serre récompensent le Burundi. Il a également proposé qu’il y ait un Fonds national de riposte aux changements climatiques.

Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), les aires protégées du Burundi, juridiquement reconnues (ou du moins en cours de reconnaissance), couvrent environ 1 040 km2, soit 3,7% de la superficie totale du pays. Le Burundi est un des rares pays d’Afrique où aucun parc national n’a été établi durant l’époque coloniale alors que toutes les forêts sont devenues réserves officielles sous l’autorité coloniale belge en 1933. Ce n’est qu’à partir du décret-loi du 3 mars 1980 portant création des parcs nationaux et des réserves naturelles que fut mise en place la législation relative aux aires protégées. En outre, le code forestier de 1985 a prévu la création de forêts protégées, réserves forestières et zones de reboisement. (Sournia G, 1998).

By Jean de Dieu Ndikumasabo

Avec cette superficie reboisée, le Burundi parvient à séquestrer plusieurs tonnes de CO2, ce qui pourrait représenter un avantage économique sous forme de financements en échange de crédits carbone. Ces fonds pourraient être utilisés pour soutenir ses projets et programmes visant à lutter contre les effets négatifs des changements climatiques.

Cependant, Docteur Cleto Ndikumagenge, expert forestier, biodiversité et changement climatique souligne que cette couverture forestière burundaise est minime comparativement à d’autres pays, d’où il recommande la réhabilitation forestière : « Nous sommes un pays où nous avons une couverture forestière très minime comparée à d’autres pays. Nous avons moins de 10 %, alors que d’autres pays voisins, comme la République démocratique du Congo (RDC), le Cameroun et d’autres, au niveau de l’Afrique centrale, ont une couverture forestière variant entre 30 et 40 % ».

Cet expert souligne qu’au Burundi, la réhabilitation forestière fait face à de nombreux défis. Le premier est la pression démographique, qui complique la gestion durable des forêts. Le deuxième défi est la dépendance au financement extérieur : par exemple, 3,2 milliards de dollars sont nécessaires pour la contribution déterminée au niveau national, dont une grande partie provient de fonds étrangers. Enfin, le troisième défi, tout aussi important, concerne la disponibilité de semences forestières de qualité, essentielles pour assurer une reforestation efficace.

Changements climatiques et réponses du gouvernement : Analyse des programmes en cours

Le Burundi émet moins de 0,02 % des gaz à effet de serre (GES) qui contribuent au réchauffement de la planète. Cependant il est classé parmi les 20 pays au monde les plus vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. Les inondations dévastatrices et les glissements de terrains occasionnés par le phénomène El Niño en témoignent. Malgré cette situation tragique, le Burundi ne croise pas les bras. Il se défend bec et ongles pour lutter contre les effets dévastateurs causés par les aléas climatiques à travers l’atténuation, l’adaptation et la résilience. Le rôle joué par les organisations non gouvernementales dans l’action climatique est incontournable.

Les pays amis du Burundi et ses partenaires au développement, ainsi que les organisations humanitaires, ont joué un rôle incontournable lors des inondations et glissements de terrain causés par le phénomène El Niño. Leur intervention a permis d’appuyer les communautés touchées en fournissant une aide d’urgence. Il est essentiel que ces partenaires continuent à accompagner le Burundi dans ses efforts pour le renforcement de la résilience des populations vulnérables face aux catastrophes naturelles. En outre, leur soutien est indispensable pour aider le pays à mettre en œuvre des stratégies d’atténuation et d’adaptation aux effets néfastes du changement climatique.

Pour assister et accompagner les personnes touchées par cette crise climatique, la Banque mondiale a promis de décaisser une somme de 80 millions de dollars américains. L’Union européenne (UE), quant à elle, a déjà débloqué un montant de 31 millions de dollars américains pour l’exécution des travaux de protection des eaux du lac Tanganyika et du lac Kivu. L’ambassade des États-Unis d’Amérique au Burundi a également annoncé qu’elle contribuera à hauteur d’1 million de dollars américains pour atténuer les effets de cette crise. La Chine avait, elle aussi, promis d’assister à hauteur d’1 million de dollars américains. Toutes ces promesses ont été faites pendant la période des inondations.

Le Burundi a mis en place plusieurs programmes stratégiques qui incluent des politiques efficaces pour la protection de l’environnement et la lutte contre les effets néfastes des aléas climatiques. Le programme national « Ewe Burundi Urambaye» a été mis en place par le gouvernement du Burundi en 2018 dans le but de lutter contre le changement climatique par le reboisement.

Un autre élément clé est le Plan National de Développement (PND), qui intègre des objectifs environnementaux dans le cadre du développement socio-économique du pays. Le PND souligne l’importance d’une gestion durable des ressources naturelles et encourage les investissements dans les infrastructures vertes. L’objectif global du PND est de « transformer structurellement l’économie burundaise pour une croissance forte, durable, résiliente, inclusive, créatrice d’emplois décents pour tous et induisant l’amélioration du bien-être social ». Pour la transformation de la structure de l’économie, le PND compte sur l’accroissement de la production énergétique : la construction, la réhabilitation et/ou l’extension des infrastructures énergétiques sont des prérequis de la transformation structurelle   durable   de   l’économie burundaise. La maîtrise de la production de l’énergie et la diminution de son coût constituent des facteurs favorisant le développement des activités transformatrices et de services.  L’accès à une énergie abordable et fiable est la priorité la plus importante pour le développement du secteur privé.

Face au changement climatique, le Burundi devra développer des mécanismes d’atténuation et d’adaptation aux risques climatiques et améliorer sa résilience face aux défis écologiques. La mise en œuvre des politiques et actions en matière de changement climatique aboutira à l’amélioration de la quantité de gaz à effet de serre séquestré passant de 14 630,5128 en 2022 à 14 851,2912 Gg d’équivalent CO2 en 2027 et le ratio reboisement / déboisement passant de 2,69 en 2022 à 2,81 en 2027.

En outre, la Vision du Burundi 2040-2060 (pays émergent en 2040 et pays développé en 2060) est un document de politique nationale et une feuille de route pour le développement économique et social du Burundi, qui servira aux générations actuelles et futures. Elle représente une feuille de route à long terme pour le développement durable, mettant l’accent sur la nécessité d’adapter les politiques publiques aux défis environnementaux futurs. Cette vision inclut des stratégies pour renforcer la résilience climatique, protéger la biodiversité et promouvoir une utilisation responsable des ressources naturelles, voir son objectif 19 qui est : « Protéger l’environnement et renforcer la résilience aux changements climatiques ».

La gestion des mécanismes de résilience aux nouvelles menaces que connaît la planète est un défi important dans la mesure où les catastrophes climatiques créent des problèmes de protection pour les plus vulnérables. Dès lors, il est important de mettre en place des mécanismes de coordination des initiatives des différentes parties prenantes intervenant en faveur du renforcement de la résilience aux changements climatiques et dans la protection de l’environnement.

Il y a lieu de citer d’autres programmes tels que la Politique nationale sur le changement climatique (2013), la Politique et stratégie nationales, et Plan d’Actions sur le changement climatique (2012-2025), etc.

Renforcer la résilience face aux crises climatiques : l’importance d’un système d’alerte précoce

Le Burundi ne dispose toujours pas d’un système d’alerte précoce permettant à la population d’échapper à certaines crises climatiques. Lors d’un atelier de capitalisation des acquis du projet intitulé : «Réponse d’urgence pour faire face aux besoins de la population touchée par les inondations au Burundi » tenu en province Rumonge en date 7 octobre 2024, Anicet Nibaruta, alors président de la plateforme nationale de prévention des risques et de gestion des catastrophes, a indiqué qu’un projet de création d’un centre national de réduction des risques et de gestion des catastrophes naturelles, incluant un système d’alerte précoce, a été lancé en février 2024 à Gitega.

Nibaruta a également souligné que la création de ce centre représente un coût élevé : « L’Etat burundais ne peut pas le réaliser seul, car son financement s’élève à 22 millions de dollars américains. Dans ce contexte, le pays sollicite une aide. Lors de la conférence des Nations Unies sur le changement climatique (Cop 29), prévue en novembre à Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, nous présenterons notre feuille de route pour la mise en place du centre national de réduction des risques et de gestion des catastrophes naturelles, incluant un système d’alerte précoce », avait-t-il informé.

En outre, a-t-il poursuivi, à travers ce centre d’alerte précoce, les médias communautaires seront appuyés pour fournir les informations météorologiques en temps réel afin de permettre à la population de se préparer en conséquence.

Rénilde NDAYISHIMIYE, Directeur de l’environnement et des changements climatiques à l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), annonce que le système d’alerte précoce fait partie des projets en cours d’élaboration qui seront inclus dans la Contribution déterminée au niveau national (CDN) 2025-2030, en vue de leur soumission au Fonds vert pour le climat afin d’obtenir un financement pour leur mise en œuvre. Elle souligne qu’il suffit d’élaborer des projets bancables et de les soumettre aux bailleurs de fonds. Par ailleurs, elle insiste sur l’importance de la transparence climatique, précisant que la bonne gestion des financements issus de ces projets doit être assurée de manière transparente.

Le Burundi est doté d’une contribution déterminée au niveau national (CDN) 2020

Le Burundi a pris des engagements devant la communauté internationale pour contribuer à la lutte contre les Changements climatiques, à travers sa Contribution déterminée au niveau national (CDN) soumise en 2015 lors de la vingt-unième Conférence des Parties (COP 21) de la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) tenue à Paris en 2015. Elle est devenue Contribution Déterminée en 2018, après la ratification de l’Accord de Paris par le Burundi, et a été révisée en 2020 pour une période de cinq ans (jusqu’en 2025). Maintenant que cette période arrive à son terme, une nouvelle CDN 2025-2030 est en cours d’élaboration, définissant de nouveaux engagements et des projets bancables à soumettre aux bailleurs de fonds. Cependant, cette nouvelle CDN doit être précédée par un rapport d’évaluation de la précédente.

En effet, l’Accord de Paris met en garde contre la menace du changement climatique et indique que les réductions d’émission de GES annoncées dans les engagements existants ne sont pas suffisantes pour contenir le réchauffement de la planète en deçà de l’objectif de 2°C. Pour cela, il invite les Parties à faire plus d’efforts pour une transition qui permettrait d’atteindre 1.5°C. Dans ce contexte, il est utile et urgent de voir comment les pays concrétisent leurs engagements en mettant en application les paragraphes 1, 2, 3, 9 et 13 de l’article 4 de l’Accord de Paris.

Dans la CDN 2015, le Burundi s’est engagé à réduire de 3 % ses émissions de gaz à effet de serre (GES) d’ici à 2030 sans conditions (objectif inconditionnel) et de 20% sous conditions (objectif conditionnel).

Pour atteindre l’objectif inconditionnel, les mesures suivantes étaient prévues. Dans le secteur de la foresterie, le Burundi prévoyait d’augmenter les puits de GES par le reboisement de 4 hectares (ha) par an durant 15 ans, à partir de 2016 jusqu’en 2030. Dans le secteur de l’énergie, le Burundi prévoyait de construire trois centrales hydroélectriques afin de porter le taux d’électrification à 35 %, soit une production de 45,4 MW en 2030.

Pour atteindre l’objectif conditionnel, les mesures suivantes étaient envisagées sous condition de financement. Dans le secteur forestier, le Burundi s’est engagé à reboiser 8 000 ha par an pendant 15 ans à partir de 2016 et à remplacer à 100 %, à l’échéance 2030, tous les fours de carbonisation ainsi que toutes les cuisinières domestiques traditionnelles. Dans le secteur de l’agriculture, le Burundi prévoyait de remplacer progressivement 100 % des engrais minéraux par de la fumure organique à l’échéance 2030.

Il est fort probable que les engagements qui avaient été pris par le Burundi dans le secteur énergétique seront réalisés grâce aux efforts déployés par le pays avec le soutien de ses partenaires, en particulier la Banque mondiale.

Au Burundi, seulement 12 % de la population a accès à l’électricité. Cette accessibilité est plus élevée dans les zones urbaines, où le taux d’électrification atteint environ 72 %, principalement à Bujumbura, la capitale économique. En revanche, dans les zones rurales, ce taux n’est que de 2 %. Globalement, l’électrification n’a progressé que de 70 % au cours des 20 dernières années. Toutefois, le Burundi s’est fixé un objectif ambitieux d’atteindre un accès universel à l’électricité à l’horizon 2030.

Selon Ibrihamim Uwizeye, ministre burundais de l’Hydraulique de l’Energie et des Mines, le gouvernement a inscrit, parmi ses objectifs du développement, notamment avec le Plan national de développement 2023-2027 révisé (PND 2023-2027), la dynamique de la croissance de l’énergie qui a été complémenté par la vision nationale 20240-2060. Selon lui, il subsiste encore un déficit d’investissement important pour la croissance substantielle de l’accès à l’électricité. « C’est dans ce cadre que le gouvernement du Burundi, en collaboration avec les partenaires techniques et financiers, s’est doté d’une stratégie d’accès universel à l’énergie d’ici 2030 », déclare-t-il. Il précise que le Burundi a promulgué une loi sur la libéralisation de l’électricité sur toute la chaîne. Le ministre Uwizeye explique qu’avant c’était uniquement pour la production, mais aujourd’hui, il y a la production, le transport et la distribution.

Ibrahim Uwuzeye, ministre burundais de l’hydraulique, energie et mines. ( Photo: Jean de Dieu Ndikumasabo)

Hawa Cisé  Wagué , Représentante résidente de la Banque mondiale au Burundi, souligne, quant à elle, que la Banque mondiale (BM) a un engagement important au Burundi : « Nous travaillons avec les partenaires au développement, dont la Banque africaine de développement (BAD), la Banque européenne d’investissement et l’Union européenne. Il y a aussi d’autres qui se sont ajoutés, dont l’Agence française de développement. Avec tous ces partenaires au développement, on essaie de soutenir le gouvernement afin que l’accès universel soit réel dans la décennie, et ceci dans l’initiative de la Banque mondiale qui est d’électrifier à peu près 300 millions africains d’ici 2030 ».

Wagué révèle que pour la Banque mondiale, le Burundi est un cas d’école où un maximum de fonds lui est destiné pour son accès universel à l’énergie d’ici 2030. « Le portefeuille a environ 400 millions de dollars américains qui est dédié au secteur de l’énergie à travers différents projets. Je vais citer le projet Rusumo Falls, un projet de barrage hydroélectrique qui est déjà en fonction et le projet Jiji Murembwe qui va bientôt être opérationnel au cours de l’année 2025. Avec ces deux projets de production hydroélectrique, on aura environ 75 mégawatts qui s’ajoutent à la production électrique du Burundi (existant) », a-t-elle déclaré.

Le Burundi s’est fixé l’objectif ambitieux de réaliser l’accès universel à l’électricité d’ici 2030, conformément aux objectifs de développement durables, notamment l’ODD7.  Les investissements supplémentaires nécessaires pour atteindre cet objectif au Burundi sont estimés à 3 milliards de dollars américains.

Le Burundi actualise périodiquement (après 5 ans) sa CDN pour refléter les progrès réalisés, les changements des évènements et les nouvelles opportunités technologiques. Ces actualisations impliquent des ajustements des objectifs de réduction des émissions, des mises à jour des stratégies d’adaptation, des financements supplémentaires et des améliorations des mécanismes de suivi et de rapportage. La première CDN a été élaborée en 2015 et actualisée en 2020. Cette dernière sera mise en œuvre jusqu’en 2030 mais sera évaluée et actualisée en 2025.

Le rapport d’évaluation de la CDN 2020-2025, récemment publié, montre que certains engagements du Burundi ont été réalisés au-delà des attentes, d’autres sont en cours de mise en œuvre, tandis que certains n’ont pas pu être accomplis.

En effet, les résultats d’analyse montrent que les actions du secteur de l’énergie permettent d’éviter les émissions à hauteur de 98,084 Gg éq CO2 (Equivalent CO2) pour l’objectif inconditionnel et 916,0774 Gg éq CO2 pour l’objectif conditionnel. Le secteur de Forêts et autres affectations des terres (FAT) est un puits d’absorption pour -632,973 Gg éq CO2 pour l’objectif inconditionnel et -745,863 Gg éq CO2 pour l’objectif conditionnel. Les émissions évitées ou absorptions sans CO2 émis par les biomasses sont 87,5054 Gg éq CO2.

Dans le cas du scénario inconditionnel, les activités suivantes ont été réalisées : le développement de la foresterie rurale avec un reboisement d’une superficie de 30 508 ha de forêt artificielle, entraînant ainsi des absorptions de – 600,3912 Gg éq. CO2, le développement de la filière bambou sur une superficie de 2741 ha pour des absorptions de -32,58241 Gg éq. CO2.

Avec le scénario conditionnel, le développement de la foresterie rurale par la création des plantations forestières et agro forestières sur 34 703 ha reboisés a occasionné des absorptions estimées à – 667,42 Gg éq. CO2, la réhabilitation des milieux dégradés dans le Mumirwa et le Bugesera sur 54 736 ha de terroirs de collines déjà protégées avec des absorptions de -77,17 Gg éq. CO2, la protection des sources d’eau par la plantation des bambous sur 74,9ha avec des absorptions de -1,26 Gg éq. CO2.

Pour le scénario inconditionnel, les absorptions étaient de -105,50 Gg éq. CO2 pour l’année 2021 ; -210,99 Gg éq. CO2 pour 2022 et -316,49 Gg éq. CO2 en 2023, soit un total de -632,97 Gg éq. CO2 pour les trois années. Dans le cadre du scénario conditionnel, les absorptions étaient estimées à -124,31 Gg éq. CO2 en 2021 ; -248,62 Gg éq. CO2 en 2022 et -372,93 Gg éq. CO2 en 2023 soit un total de -745,85 Gg éq. CO2 pour les trois années.

En ce qui concerne la part des émissions par secteur, la part du secteur de l’agriculture, de la foresterie et d’autres affectations des terres (AFAT) (émissions uniquement) est passée de 48% à 58% en 2010, puis a diminué à 45% en 2015. La part du secteur de l’énergie est passée de 43% à 36% en 2010, puis a atteint 45% en 2015. La part du secteur des déchets se situe entre 6 et 10%, tandis que les Procédés industriels et l’utilisation des produits (PIUP) représentent moins de 1% des émissions totales nationales.

Vers une gestion durable : initiatives de dragage et de réhabilitation des rivières qui traversent la ville de Bujumbura

La Banque mondiale (BM) a sorti le 14 juillet un communiqué de presse, dans lequel elle a annoncé  Le Projet d’Urgence sur la Résilience Urbaine du Burundi (PRU) appelé localement « IBISAGARA BIRAMA » (Les villes durables) qui a été conçu pour répondre aux besoins urgents de lutte contre les inondations à Bujumbura, accentués par les risques fréquents d’inondation dus au changement climatique et le risque récent de montée des eaux du lac Tanganyika.

Selon ce communiqué, ce projet financera la réhabilitation urgente et le dragage des rivières qui traversent la ville et fournira une protection plus permanente contre les inondations du lac et des rivières dans les zones denses en activités économiques et en populations vulnérables. Il permettra également de protéger les infrastructures clés afin d’éviter toute interruption de l’approvisionnement en eau de la ville, lit-on.

« Le projet arrive au bon moment, compte tenu de l’augmentation des inondations urbaines au Burundi dues au changement climatique. Ces inondations touchent une grande partie de la population et occasionnent chaque année un manque à gagner pour la croissance économique. Le projet appuiera les institutions clés pour améliorer la gestion urbaine avec l’objectif de réduire les risques d’inondation tout en fournissant de meilleures alertes précoces et en améliorant la capacité des institutions publiques et des communautés à répondre aux catastrophes », a déclaré Hawa Wagué, Représentante résidente de la Banque mondiale au Burundi.

Selon toujours le même communiqué de presse, avec un financement de 113 millions de dollars (dont 60 millions de dollars de dons de l’IDA et 53 millions de dollars du Mécanisme de Réponse aux Crises), le projet vise à répondre aux problèmes d’inondations urbaines à Bujumbura et à établir les bases d’une fourniture de services urbains plus résilients au climat au Burundi. Les efforts mettront l’accent sur les mesures d’urgence de réponse aux inondations, les interventions d’infrastructures résilientes au climat afin de réduire les risques d’inondation, les systèmes d’alerte précoce aux inondations et l’élaboration de plans d’utilisation du sol tenant compte des risques. Le projet devrait bénéfique à la population de Bujumbura, dont plus de 200 000 personnes directement touchées par l’urgence des inondations.

Le PNA, un tournant stratégique pour la résilience climatique du Burundi

Le Burundi vient de franchir une étape décisive dans sa lutte contre les effets du changement climatique avec le lancement officiel, le 07 février 2025, du projet d’élaboration et de mise en œuvre du Plan national d’adaptation (PNA). Porté par le ministère en charge de l’Environnement en partenariat avec le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD), ce projet bénéficie d’un financement de 7.183.398.362 BIF, soit 2.431.753 de dollars américains octroyé par l’ONG Green Climate Fund.

Signé en 2023 par le ministre en charge de l’Environnement, Ir Prosper Dodiko, le PNA s’inscrit dans la continuité du Plan d’actions nationales d’adaptation (PANA), précédemment mis en place par le gouvernement burundais. Son objectif est d’intégrer les enjeux climatiques dans la planification et la budgétisation du développement national afin de renforcer la résilience du pays face aux dérèglements climatiques.

Une réponse stratégique aux défis environnementaux

Le PNA vise à renforcer la politique nationale en matière de changements climatiques en consolidant les capacités institutionnelles et individuelles. Il s’agit notamment d’intégrer la problématique climatique dans les processus décisionnels et d’encourager les investissements pour l’adaptation aux aléas environnementaux tels que les inondations, la variabilité des saisons ou encore la montée des eaux du lac Tanganyika.

Les priorités d’adaptation définies par ce plan couvrent plusieurs secteurs stratégiques pour le Burundi, notamment l’agriculture et l’élevage, les écosystèmes et paysages, ainsi que les ressources en eau. De plus, la santé, les infrastructures et les transports, ainsi que le secteur de l’énergie sont également concernés.

Avec le soutien du PNUD et des partenaires financiers, la mise en œuvre du PNA marque un tournant décisif pour le Burundi dans sa lutte contre les impacts du changement climatique

Le manque de financement handicape les pays en développement

La 29ème conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 29) s’est déroulée à Bakou, la capitale azerbaïdjanaise, depuis le 11 novembre 2024. De nombreux chefs d’Etat et représentants de divers pays du monde entier avaient participé à cet événement, y compris une délégation du Burundi conduite par le vice-président de la République Prosper Bazombanza. La question de l’insuffisance des financements soulevait des préoccupations majeures. En effet, se mettre d’accord sur un nouveau montant d’aide aux pays en développement pour financer à la fois leur transition énergétique et éviter au maximum les émissions de gaz à effet de serre, leur adaptation face au changement climatique, et enfin, financer les réparations après des catastrophes qui n’ont pu être évitées constituaient le principal objectif de cette COP 29. Jusqu’à présent, les pays riches avaient promis une aide de 100 milliards de dollars par an entre 2020 et 2025, une promesse qui n’a pas été tenue dans les temps, ce qui a beaucoup crispé les relations Nord-Sud et qui laisse encore aux pays vulnérables un goût amer.

Antonio Guterres, secrétaire Général des Nations Unies avait, dans son allocution, souligné que les pays en développement qui souhaitent agir contre le changement climatique se heurtent à de nombreux obstacles tels que les finances publiques insuffisantes, le coût prohibitif du capital, la fréquence croissante des catastrophes climatiques et un service de la dette qui pèse lourdement sur les budgets nationaux. « Les pays en développement ne peuvent pas repartir les mains vides », a-t-il averti. Il a également exhorté les acteurs du changement climatique, notamment les pays riches, à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

A lui seul, le continent africain a sollicité 1 300 milliards USD par an jusqu’en 2030. « Nous ne voulons pas que cet objectif reste un simple chiffre politique, une référence qui sonne bien, mais qu’il reflète réellement les besoins des pays en développement », a indiqué, à cette occasion, Tosi Mpanu Mpanu, négociateur de la République démocratique du Congo (RDC) à la COP 29. Pour le groupe des pays africains, il est essentiel de respecter les objectifs de l’Accord de Paris qui vise à limiter la hausse des températures à 1,5°C d’ici la fin du siècle, a-t-il souligné.

Le nouveau projet d’accord sur le financement de l’action climatique dans les pays en développement est « totalement inacceptable », a réagi vendredi 22 novembre le président du groupe africain à la COP 29, à Bakou. « La proposition faite par les pays développés de fournir 250 milliards de dollars par an d’ici 2035 est totalement inacceptable et inadaptée pour mettre en œuvre l’accord de Paris », a, pour sa part, déclaré le négociateur kényan, Ali Mohamed, au nom du groupe.

« Les pays développés et les pollueurs portent une responsabilité majeure dans la crise climatique. Pour cela, ils doivent assumer leur juste part », avait estimé Faure Gnassingbé, le président de la République togolaise. Il a, par ailleurs, appelé les nations riches à l’aide pour faire face à cette crise, conformément aux engagements pris dans les accords internationaux.

La COP 29 s’est conclue par un accord jugé révolutionnaire sur le financement de la lutte contre le changement climatique : 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 pour aider les pays à protéger leurs populations et leurs économies contre les catastrophes climatiques, et à partager les vastes bénéfices de l’essor des énergies propres. S’adressant à tous les délégués lors de la séance plénière de clôture, le secrétaire exécutif des Nations unies chargé du changement climatique, Simon Stiell, a qualifié le nouvel objectif financier de « Contrat d’assurance pour l’humanité ». Il a toutefois rappelé un point important :« Comme tout contrat d’assurance, il ne fonctionne que si les primes sont payées intégralement et à temps ».

Selon la Banque africaine de développement (BAD), le continent africain ne reçoit que 3 % des flux financiers mondiaux dédiés au climat. Face à cette réalité, les pays africains soulignent l’importance d’améliorer leur accès à ces financements cruciaux. Dans un contexte de lourdes dettes qui pèsent sur de nombreuses nations africaines, il devient impératif que ces fonds soient principalement distribués sous forme de dons plutôt que de prêts qui impliquent un remboursement avec intérêts.

Il reste à déterminer les initiatives ou démarches qui pourraient être entreprises par les gouvernements concernés pour accéder aux financements climatiques disponibles, ainsi que la manière dont ces fonds sont intégrés dans les plans nationaux d’adaptation et d’atténuation.

Rénilde Ndayishimiye, Directeur de l’environnement et des changements climatiques à l’Office burundais pour la protection de l’environnement (OBPE), indique que les nations développées sont appelées à fournir des financements substantiels, car les discussions se déroulent à la fois au niveau national et en tant que groupe de pays en développement. Cependant, elle souligne qu’une fois les accords conclus, il appartient aux Etats bénéficiaires de mettre en place des projets et des partenariats, que ce soit avec d’autres pays, des agences internationales ou des acteurs privés, afin d’obtenir des financements concrets.

Par ailleurs, Ndayishimiye mentionne que le Burundi a déjà pris des initiatives importantes en élaborant une politique nationale sur le changement climatique, qui doit être intégrée dans tous les secteurs comme l’agriculture, la foresterie, énergie, la santé, ressources en eau et le transport.

Elle précise que cette approche transversale permet d’accélérer la mise en œuvre des stratégies d’adaptation et d’atténuation. L’enjeu principal réside désormais dans la capacité à élaborer des projets bancables. A ce sujet, Ndayishimiye fait savoir que la clé pour accéder aux financements disponibles, notamment via le Fonds vert pour le climat et d’autres mécanismes de financement climatique existants, est de présenter des initiatives bien structurées et viables financièrement.

La jeunesse : un acteur clé dans la lutte contre les effets néfastes du changement climatique

Le Burundi est un pays dont la population est majoritairement jeune. Selon les données démographiques, environ 65 % de la population a moins de 25 ans, ce qui signifie que deux tiers des Burundais appartiennent à cette tranche d’âge. Cette situation démographique représente à la fois un défi et une opportunité pour le développement du pays. Les statistiques révèlent que 43,2 % de la population a moins de 15 ans, tandis que 53,3 % a moins de 20 ans. Ces chiffres témoignent d’une pyramide des âges très jeune, ce qui influe directement sur les politiques publiques en matière d’éducation, de santé et d’emploi, etc.

Dans cette lutte pour relever les défis liés aux changements climatiques, la société civile burundaise est justement appelée à engager une réflexion profonde sur les moyens à mettre en œuvre pour développer des solutions climatiques appropriées basées sur les trois piliers de l’action climatique en l’occurrence l’atténuation, l’adaptation et la résilience.

Ishaka 2250 est une organisation de jeunes engagée dans la lutte contre les effets néfastes du changement climatique. Audry Rusangwa, Directeur exécutif de cette organisation, indique qu’Ishaka 2250 est une organisation de jeunes engagée dans la promotion des Objectifs de développement durable (ODD) et des initiatives visant à autonomiser les jeunes et les femmes afin de contribuer à l’atteinte de l’Agenda 2030. Il souligne que la lutte contre les changements climatiques constitue l’un des piliers stratégiques de notre action : « Nous œuvrons principalement à transformer les victimes des changements climatiques en acteurs du changement et en porteurs de solutions. Notre mission est d’accompagner cette transition, en faisant des personnes touchées par ces défis des champions de l’action climatique », déclare-t-il.

Audry Rusangwa, Directeur exécutif d’Ishaka 2250, une organisation de jeunes engagée dans la lutte contre les effets néfastes du changement climatique. (Photo : Jean de Dieu Ndikumasabo)

Rusangwa évoque les initiatives spécifiques mises en place pour atténuer les effets des changements climatiques. « Nos actions visent à réduire les risques climatiques et à limiter les impacts négatifs du réchauffement planétaire. Nos efforts se concentrent principalement sur deux axes. Tout d’abord, nous sensibilisons et impliquons activement dès le jeune âge. Comme le dit un adage kirundi : Igiti kigororwa kikiri gito (Un arbre se redresse quand il est encore arbrisseau) ».

Rusangwa indique qu’il est plus facile d’inculquer de bonnes pratiques environnementales aux jeunes générations que de changer les habitudes à un âge avancé. Ces jeunes sont formés et engagés dans des actions concrètes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. « En leur donnant les outils et les connaissances nécessaires, nous les préparons à devenir des acteurs du changement et des leaders de l’action climatique. Ensuite, nous mettons en place des initiatives concrètes pour limiter les émissions de gaz à effet de serre et favoriser une gestion durable des ressources ».

Rusangwa souligne que parmi ces initiatives, l’accent est mis sur la gestion efficace des déchets, en sensibilisant sur l’importance du tri, du recyclage et de la réduction des déchets. Il précise également que les déchets plastiques et les pneus usagés sont transformés en meubles et en objets de décoration, contribuant ainsi à leur réutilisation et à la réduction de la pollution. Par ailleurs, il mentionne que des investissements sont réalisés dans la reforestation, car le reboisement permet de créer des puits de carbone capables d’absorber le dioxyde de carbone (CO₂) et de limiter les effets du changement climatique.

Il indique que toutes ces actions s’inscrivent dans leur engagement à atténuer les impacts du changement climatique et à construire un avenir plus durable. « Notre objectif est de transformer les victimes de ces changements en acteurs du changement, en leur donnant les moyens de faire partie de la solution », explique-t-il.

En matière de reboisement, Rusangwa se dit satisfait des résultats déjà atteints en matière de séquestration du CO2. Selon lui, l’organisation évalue la quantité de dioxyde de carbone (CO₂) séquestrée par arbre afin de mesurer l’impact du reboisement. Il fait remarquer qu’à présent, plus de 5 000 tonnes de CO₂ ont été capturées à l’échelle nationale grâce aux efforts de reforestation. Il insiste sur le fait que ces actions s’inscrivent exclusivement dans le cadre de l’atténuation du changement climatique, indépendamment des mesures d’adaptation.

Il souligne également que cette quantité de carbone séquestrée pourrait être comptabilisée et potentiellement valorisée sur le marché du carbone.

Selon ce jeune activiste, les chiffres évoluent chaque année en fonction des nouvelles plantations : « Par exemple, en prenant l’espèce d’eucalyptus comme référence, un arbre peut absorber jusqu’à 25 kg de CO₂. Ainsi, 1 000 arbres permettraient de capter environ 25 tonnes de CO₂ et, avec un programme plus ambitieux, ce chiffre pourrait atteindre 1 000 tonnes », témoigne-t-il.

Sur la base des prévisions actuelles, il espère que d’ici la fin de l’année 2025, les efforts seront doublés, atteignant ainsi 10 000 tonnes de CO₂ séquestrées uniquement grâce à la reforestation et à la création de puits de carbone.

Rusangwa précise qu’Ishaka 2250 met un accent particulier sur les efforts d’atténuation et ceux d’adaptation et encourage d’autres organisations de jeunes à adopter cette démarche.

Les effets socio-économiques d’El Niño, tels que présentés à travers des chiffres alarmants, des témoignages touchants et l’analyse d’experts, révèlent une réalité non seulement complexe mais aussi et surtout préoccupante. En effet, ce phénomène climatique met en évidence non seulement la vulnérabilité des individus, des infrastructures des économies, mais aussi la nécessité inéluctable d’adopter des mesures préventives et de renforcer la coopération internationale. Les solutions climatiques en cours, bien qu’encourageantes, doivent être accélérées et adaptées afin de répondre aux défis grandissants posés par les événements météorologiques extrêmes.

Il appartient donc à l’ensemble des acteurs, gouvernement, entreprises, communauté internationale et citoyens burundais, de s’engager résolument dans une démarche collective pour atténuer ces impacts négatifs et préparer un avenir plus résilient. Par ailleurs, face à l’incertitude climatique, l’innovation, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC), l’adoption de l’intelligence artificielle et la solidarité se dessinent comme des leviers essentiels pour transformer la menace d’El Niño en une opportunité.

Par Jean de Dieu Ndikumasabo