BUJUMBURA, 29 mai (ABP) – L’infertilité ne dépend pas seulement de la femme ou de l’homme, c’est une responsabilité partagée. Ce sont les propos des médecins gynécologues qui précisent qu’on dit qu’un couple est infertile, quand il cohabite ensemble pendant une année, faisant des rapports sexuels sans contraceptif et ne parvient pas à avoir une grossesse.
Quand la femme a un âge supérieur à 35 ans et que le couple cohabite ensemble pendant 6 mois en faisant des rapports sexuels sans protection, là on peut dire aussi que le couple est infertile. Elle peut être d’origine masculine comme ça peut être d’origine féminine.
D’après les témoignages des couples qui sont victimes de l’infertilité, dans la société burundaise, un couple infertile vit la stigmatisation, la discrimination faites par sa famille ou son entourage et c’est la femme qui est beaucoup plus touchée que l’homme.
MT habite la province Gitega en commune Gishubi. Dans un témoignage accordé à l’agence burundaise de presse (ABP), vendredi le 17 mai 2024, elle a indiqué qu’elle s’est mariée à l’âge de 21 ans et a eu son premier enfant après 10 ans de mariage. Avant la naissance de cet enfant, elle a beaucoup souffert. Elle a indiqué qu’elle vivait la stigmatisation et la discrimination de la part de la famille de son mari et de ses voisins, lui accusant « d’être infertile ».
Ma belle-mère incitait chaque fois mon mari de m’abandonner et de chercher une autre femme qui est fertile. Elle osait même mentir en disant quand j’étais une fille, j’ai commis beaucoup d’avortements, ce qui m’a rendu infertile et que je suis en train de subir des conséquences liés aux avortements volontaires commis pendant mon adolescence. Il y avait aussi des cas où mon mari acceptait les dires, et a commencé à être infidèle en faisant des rapports sexuels avec les femmes de l’entourage. Il me maltraitait du jour au lendemain et j’avais risqué de divorcer, beaucoup de gens conseillait mon mari à chercher une autre femme et de me répudier du foyer. Je lui ai demandé chaque jour d’aller consulter ensemble le médecin et il a accepté après plusieurs demandes. C’est après la consultation que le gynécologue a constaté à mon égard des troubles ovulatoires et des fibromes, qu’on a opéré et m’a prescrit des médicaments pour soigner les troubles ovulatoires. Dieu aidant je suis tombé enceinte après une année, a témoigné la victime de l’infertilité. Elle a précisé qu’elle a pour le moment trois enfants, dont une fille et deux garçons.
Dr Gilbert Nibitanga est gynécologue obstétricien et spécialiste en fertilité. Dans une interview accordée à l’ABP, il a fait remarquer qu’au Burundi, 40% des couples infertiles ont comme causes d’origine masculine et 40% d’origine féminine. D’autres parts 10% des couples ont des causes inexpliquées, les autres 10% ont des causes partagées.
S’agissant des causes de l’infertilité chez l’homme, Dr Nibitanga a indiqué que chez les hommes, la plupart des causes déjà constatées lors de la prise en charge des patients, sont des hommes qui ont des spermatozoïdes de mauvaise qualité, c’ est à dire qui ne sont pas très mobiles, d’autres qui ont des spermatozoïdes en petite quantité et il y en a même qui n’ont pas de spermatozoïdes. Il a aussi signalé les cas des hommes qui naissent avec des maladies génétiques qu’on ne peut pas corriger. Il a donné l’exemple des hommes qui présentent des canaux déférents qui contiennent des spermatozoïdes bouchés, des hommes qui présentent des anomalies hormonales et autres. Il a précisé que si les spermatozoïdes ne remplissent pas les critères nécessaires pour féconder l’œuf de la femme, l’homme ne peut pas engrosser sa femme.
Concernant les causes de l’infertilité féminine, ce spécialiste en infertilité a fait savoir qu’il y a l’infertilité qui est due à l’ovulation, c’est à dire si la femme n’ovule pas normalement, il ne peut pas libérer l’ovocyte. Il y a aussi des causes qui sont dues au système nerveux central, c’est à dire quand il y a perturbation des hormones centrales. D’autres causes sont dues à l’utérus. Quand l’utérus a des fibromes, ces derniers peuvent boucher les trompes ou bien empêcher que les spermatozoïdes arrivent au niveau des trompes.
Selon toujours Dr Nibitanga, il y a des causes liées à l’endométriose. C’est à dire quand les tissus qui se trouvent au niveau de la cavité utérine se sont implantés au niveau des ovaires. Il aussi cité les malformations génétiques, les maladies hormonales, l’ovaire poly kystique et les trompes bouchées.
Du côté du traitement de l’infertilité, Dr Nibitanga a précisé que le traitement dépend de la cause. Il y a les causes traitables et les causes non traitables. Il a signalé que les causes congénitales et les causes génétiques sont difficiles à traiter. Mais les maladies acquises par exemple chez la femme, comme les fibromes on peut faire une opération, les trompes bouchées on peut faire la fécondation in vitro (existant à la polyclinique Umugiraneza qui se trouve dans la province de Gitega), les troubles ovulatoires qu’on peut donner à la femme les médicaments. Chez l’homme, si la quantité des spermatozoïdes n’est pas suffisante, on peut lui donner des médicaments pour voir si la quantité peut être augmentée. Si l’infertilité est due aux infections, on soigne les infections.
Pour la prévention, il a également souligné qu’il y a des causes évitables. Par exemple en évitant les infections, on peut se prévenir contre l’infertilité qui est due à l’obstruction des canaux génitaux. Il faut aussi éviter les produits toxiques aux gamètes masculins ou féminins. Il a cité l’alcool, le tabac, les drogues. Il n’a pas manqué de conseiller aux couples qui cohabitent plus d’une année sans succès d’avoir un enfant, de consulter ensemble le médecin gynécologue pour trouver solution à leurs problèmes, au lieu de rester à la maison ou en pensant que c’est de la sorcellerie.
Quant au psychologue Bonfils Uwimana, l’infertilité a beaucoup de conséquences psychologiques sur le couple. Ne pas avoir d’enfant peut provoquer un niveau élevé de stress et de frustration. Il aussi cité d’autres problèmes comme la dépression, l’anxiété, l’insomnie, la diminution du désir sexuel, la baisse de l’estime de soi qui provoque l’isolement ou le retrait social.
Dans la société burundaise, les couples infertiles sont pointe du doigt, ils vivent la discrimination, la stigmatisation, que ce soit par la belle famille, celle de la femme ou de ses voisins. Dans le couple, la femme souffre beaucoup par rapport à l’homme parce que beaucoup d’accusations sont dirigées vers la femme. Face à cette situation, M. Uwimana conseille aux couples infertiles d’être résilients. Il ne faut pas toujours se concentrer sur leur problème de ne pas avoir un enfant, ne plus se laisser influencer par des pressions sociales. Il faut plutôt agir, selon leurs propres désirs, éviter d’écouter les mauvais conseils. Ces couples sont invités également à demander de l’aide auprès des psychologues pour les aider à s’accueillir et à se prévenir contre les troubles ou les problèmes psychologiques liés à l’infertilité. M. Uwimana demande à la société burundaise d’éviter toute stigmatisation à l’ endroit des couples infertiles précisant que ce sont des personnes comme tant d’autres et qu’ils ne sont pas à l’ origine de leurs problèmes.