BUJUMBURA, 19 mai (ABP) – Malgré les difficultés financières chez certains cinéastes burundais, l’industrie cinématographique constitue une importante source de revenus grâce aux plates-formes sociales comme YouTube ou d’autres plateformes cinématographiques, a indiqué Léonce Ngabo, cinéaste réalisateur burundais, à l’occasion d’une interview accordée à l’ABP, mercredi le 14 mai 2025.
D’après Ngabo, il est possible de vivre du cinéma au Burundi. S’appuyant sur son propre expérience, Ngabo a révélé qu’il est licencié en chimie et qu’il a été directeur des télécommunications d’une école, mais qu’il avait en parallèle, le projet de produire le premier film de long métrage de fiction intitulé « Gito l’ingrat » sorti dans les années 1990-1991, ajoutant que depuis lors il ne vit que du cinéma. Ngabo indique en outre que d’autres jeunes talentueux locaux parviennent à produire pour YouTube ou d’autres plateformes cinématographiques et parviennent à gagner de l’argent.
Malgré cela, Ngabo a tenu à signaler que certains cinéastes ont des difficultés financières, et sont obligés d’emprunter de l’argent à leurs parents ou à leurs amis pour produire un film.
Il a par ailleurs souligné qu’ils ne parviennent pas à collecter de gros budgets pour produire de longs métrages, ce qui est aussi une barrière pour l’évolution de l’industrie cinématographique burundaise.
Concernant le budget qu’utilisent les cinéastes burundais, Ngabo a révélé qu’il a posé des questions à la plupart des cinéastes burundais pour savoir le niveau budgétaire dont ils disposent pour produire un film. Certains ont parlé de 7 millions de francs Burundais, d’autres 5 millions ou même moins, déplore Ngabo, comparant ces budgets à ceux utilisés pour la production de « Gito l’ingrat » qui aurait coûté un 1 million de dollars américains à l’époque. Selon lui, les budgets des artistes locaux sont très faibles pour produire un film de bonne qualité, comparativement aux productions d’ailleurs.
Il a par ailleurs fait savoir que c’est la raison pour laquelle les productions burundaises sont très peu sélectionnées dans les festivals d’ailleurs. Pour remédier cette problématique, Ngabo propose une mobilisation de tout le monde, mais particulièrement du gouvernement pour la création d’un fond de promotion cinématographique et des productions audiovisuelles, car a-t-il signalé, ces fonds pourraient assurer l’évolution de l’industrie cinématographique burundaise.
A part les difficultés financières, le cinéaste Ngabo relève aussi le manque d’école de cinéma au Burundi d’où le manque de renforcement des capacités chez les acteurs (soulignant que d’autres pays en ont) ; l’absence d’une politique culturelle bien définie et le manque de financements. Ngabo souligne aussi le manque du sponsoring dans l’industrie du cinéma Burundais, où il signale qu’il est encore difficile de faire un sponsoring dans un pays où le volet cinéma n’est pas compris en profondeur, ni son impact, ni ses retombées.
Pourtant, explique-t-il, le cinéma et l’audiovisuel sont les premiers secteurs de pointe pouvant aider au développement du pays en termes de communication, de sensibilisation et d’éducation car selon lui, « une image vaut 1000 mots ». Il a aussi témoigné qu’il a organisé ce qu’il a appelé cinéma numérique ambulant ou cinéma de plein air, où il rassemblait des gens pour regarder un film en plein air. D’après lui, ces films suscitent des réflexions chez ceux qui les ont visionnés mais aussi la mise en commun de certaines décisions. A ce props, il a révélé que la tournée de cinéma mobile, est un initiateur d’idées et un sensibilisateur, sur certains problèmes et résultats que chercheraient les politiques pour le développement du pays. Selon Ngabo, d’autres pays ont compris longtemps que, quand on veut dominer le monde on passe par l’image, et le Burundi devrait emboîter le pas. Il signale aussi que les crises sociales et politiques peuvent se guérir par l’image. Sur ce point, il a expliqué que le Burundi a une crise identitaire et que la plupart des jeunes qui vont à l’étranger, perdent facilement leur culture et se retrouvent phagocytés par les cultures étrangères, par manque de soutien dès le bas âge pour encrer la culture dans leur sang. Selon lui, si on ramenait toutes les valeurs traditionnelles qu’on avait à l’époque, au niveau de la personnalité humaine, de l’identité et de l’entraide sociale, il y a lieu de changer progressivement la mentalité de la jeunesse, en une jeunesse consciente et fière de son identité culturelle. Ce qui aurait également pour impact, de réduire parallèlement les crises sociales politiques répétitives, le cinéma étant un bon canal pour y parvenir, a-t-il conclu.