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Le kirundi : un patrimoine immatériel à sauvegarder

ByAdministrateur

Sep 8, 2025
Prof. Pascal TUYUBAHE

MUKAZA, 5 sept (ABP) – Le kirundi, langue nationale et patrimoine culturel du Burundi, est aujourd’hui confronté à une menace silencieuse : le mélange croissant avec des mots étrangers, notamment l’anglais, le français et le swahili, a-t-on appris de Pascal Tuyubahe, secrétaire exécutif permanent de l’Académie Rundi.

Lors d’une interview accordée à l’ABP, le jeudi 4 octobre 2025, Tuyubahe a fait savoir que certains usagers du kirundi incorporent de plus en plus des termes venus d’autres langues dans leur communication quotidienne, au détriment du kirundi pur.

D’après lui, ce mélange a des impacts, surtout au niveau de la transmission du message, qui ne passe pas comme s’il était livré dans une seule langue. Face à ce mauvais usage du kirundi, il lance un appel vibrant aux usagers de cette langue pour qu’ils fassent un effort, afin de mieux la parler, sans mélange.

Toujours selon le secrétaire exécutif permanent de l’Académie Rundi, les mots et les termes en kirundi sont disponibles. « Le kirundi, comme toute autre langue, prévoit tout ce qu’il faut, ainsi que les règles pour employer correctement le kirundi. Ce n’est pas une langue pauvre, comme certains aiment le dire, » rassure-t-il, soulignant qu’il faut faire un effort pour bien sauvegarder cette langue locale, afin qu’elle ne soit pas noyée par d’autres langues.

Concernant l’emprunt de certains termes à d’autres langues, Tuyubahe a indiqué que si un terme manque, il est possible d’emprunter un mot étranger et l’incorporer au kirundi, à condition qu’il respecte les règles d’emploi et de construction prévues par la langue. Il précise que n’importe quelle langue peut emprunter, mais il faut veiller à ce que le terme emprunté, respecte le code de la langue qui l’accueille.

Pour promouvoir le kirundi, il a révélé que plusieurs activités ont déjà été menées de la part de l’Académie Rundi, notamment des ateliers de sensibilisation dans les écoles, à l’attention des professeurs et des élèves, ainsi que des initiatives soutenant les écrivains en kirundi, comme le prix littéraire Rumuri, organisé chaque année par l’Université du Burundi.

Il a par ailleurs signalé que le mauvais usage du kirundi ne se limite pas à l’expression orale, mais se manifeste également à l’écrit. Pour y remédier, un document d’orthographe standard, normative, a été élaboré, afin que chaque écrivain en kirundi s’y conforme.

Tuyubahe a indiqué qu’il y aura des étapes de sensibilisation et d’explication de ce document, qui est prévu d’être appuyé par un décret. « Au niveau de l’expression écrite, un seul mot peut avoir plusieurs orthographes différentes. Cette réglementation va harmoniser l’orthographe de certains mots, » a-t-il précisé. Il a également signalé que certains artistes emploient mal le kirundi, ce qui mérite, selon lui, une attention particulière. « Avant de chanter, l’artiste compose. En composant, il doit vérifier que le texte est correct. Cela demande réflexion, surtout sur la façon dont on emploie une phrase ou un terme », explique-t-il.

Tuyubahe n’a pas manqué de souligner que beaucoup de burundais ont l’ambition d’aimer l’ailleurs, ce qu’il considère comme un défaut. Selon lui, le kirundi est le cœur et la racine des Burundais ; il faut toujours l’aimer et respecter ses règles, malgré l’influence de la modernité, des smartphones et des réseaux sociaux.

Il lance un appel à tous les burundais, surtout dans les milieux urbains, à faire un effort pour un bon usage du kirundi, et à comprendre que la langue permet de transmettre le message de façon claire et efficace.

Concernant l’enseignement en langues étrangères au Burundi, Tuyubahe a rassuré que cela ne pose aucun problème, car les spécialistes en linguistique s’accordent pour dire que qu’avant de maîtriser une langue étrangère, il faut d’abord maîtriser la langue maternelle. Selon lui, il serait utile d’augmenter le nombre d’heures consacrées à l’enseignement du kirundi où il est enseigné.

Pour les burundais qui ne voient pas l’utilité de préserver le kirundi, il rappelle que la langue et la culture vont de pair, car les burundais expriment leur culture plus aisément dans leur propre langue. Quand le kirundi n’est pas employé au quotidien, ils risquent de perdre leur culture, ce qui constitue également une perte d’identité, a-t-il signalé.

Il lance un appel à tout burundais attaché à sa culture et à son identité à sauvegarder le kirundi, à s’exprimer en kirundi pur selon le contexte, et à en être fier.

Rappelons que parmi les missions de l’Académie Rundi figure la sauvegarde de la langue et de la culture burundaise.