BUJUMBURA, 10 août ( ABP) – La commission vérité et réconciliation ( CVR) a animé jeudi le 10 août 2023 à Bujumbura,une conférence de presse autour du thème : » Les vainqueurs des élections des années 1960 au Burundi, premières victimes de l’intolérance politique » ,pour rendre public les résultats de la recherche faite par la CVR à propos des victimes assassinées après les élections des années 60 au Burundi.
Selon le président de la CVR amb.Pierre Claver Ndayicariye, les premières élections réellement libres et démocratiques au Burundi sont les législatives de septembre 1961. Elles ont vu l’implication de la commission des Nations unies pour le Ruanda – Urundi (CNRU) qui a envoyé sur place des délégués pour les superviser. Il s’agit de l’Iranien Rehma, du Togolais Ernest Gassou et du Haïtien Max Dorsinville. Ces deux derniers ont joué un rôle important pour que les élections de 1961 soient libres et transparentes. Après, le gouvernement belge a accepté d’appliquer la résolution 1605 des Nations unies qui souhaitait que le Prince Louis Rwagasore participe de nouveau à la vie politique du pays, contrairement à la volonté des autorités coloniales en place au Burundi.
Le président de la CVR a continué en précisant que les élections législatives ont eu lieu le 18 septembre 1961, l’UPRONA gagna haut la main de ces élections avec 80% des votes exprimés, soit 58 sièges sur 64 prévus. Les partis PDC, PDR et PP en ont obtenu chacun deux.
L’administration coloniale attribua cette victoire au fait que la grande majorité des électeurs, spécialement les femmes qui venaient d’être appelées pour la toute première fois à cet acte civique, avaient voté pour l’UPRONA. D’autres mettent en avant le charisme du Prince Louis Rwagasore, la stricte organisation des membres du parti UPRONA qui obéissait à des consignes très claires, à une base recrutée essentiellement au sein de la « masse Hutu », contrairement au PDC et au PDR considérés comme des partis » féodaux « .
Le discours de Rwagasore prononcé à la radio nationale le 20 septembre 1961 était très conciliant. Le Prince Louis Rwagasore demanda à ses rivaux politiciens d’enterrer la hache de guerre, de tourner la page et de penser plutôt à l’avenir. Le premier gouvernement de Rwagasore était composé de 9 personnes en plus de lui-même : 5Hutu dont un vice premier ministre et ministre des Finances, 3 Tutsi et 1 Ganwa, son beau -frère était ministre de l’intérieur et de l’information. Quelques semaines après la victoire de l’UPRONA, Rwagasore a été tué le 13 octobre 1961 au restaurant Tanganyika par un jeune grec Kageorgis. Il venait de totaliser 14 jours comme premier ministre du Royaume du Burundi.
Selon Pierre Claver Ndayicariye, les élections qui ont suivi au Burundi sont celles de mai 1965, des élections législatives anticipées ont été organisées à travers tout le pays, sous l’instigation du groupe Casablanca. Suite à l’assassinat du premier ministre Pierre Ngendandumwe intervenu le 15 janvier 1965 dans la soirée, suivi de l’incarcération des leaders du groupe Casablanca, le groupe Monrovia semblait s’imposer pour orienter l’action du parlement et du gouvernement. Les leaders Batutsi ont conseillé au roi Mwambutsa de dissoudre d’abord le parlement qui leur fait obstacle. Ainsi à la veille de ces élections, des balises furent établies sur le plan institutionnel, pour que les Batutsi du groupe Casablanca puissent s’assurer une majorité substantielle dans les urnes.
Les élections législatives du 10 mai 1965 ont été gagnées par le parti UPRONA, avec 21 députés sur 33 sièges et 12 sénateurs sur les 16 sièges. Le parti du peuple PP, malgré l’hécatombe subie en janvier 1962 avait pu reconstituer ses états – major et a pu obtenir 10 sièges. En termes techniques, les Bahutu ont obtenu 23 sièges, dont 13 au sein de l’UPRONA et les 10 du PP. Au niveau du sénat, les Bahutu étaient au nombre de 10 sur 16. À partir des archives consultées par la CVR, il est clair que tous les élus Bahutu de mai 1965 furent assassinés, soit en 1965 même, soit en 1972, à l’exception de Biyorero Ezéchias élu à Rumonge qui prit le large en Tanzanie.
À cette même occasion, le président de la CVR a fait savoir que même si la CVR n’a pas encore fait des enquêtes approfondies sur la manière dont les vainqueurs des élections démocratiques de juin 1993 ont été tués, il est permis de penser que leur élimination répond à la même logique. Le président Melchior Ndadaye et ses proches collaborateurs ont été assassinés au cours du coup d’État débuté le 21 octobre 1993. Mais il va sans dire que les acteurs de cette crise, l’ambiance de la campagne électorale de mai 1993, les résultats des élections proclamés le 3 juin 1993 et les réactions qu’ils ont suscitées, ont provoqué la catastrophe qui a conduit à la guerre civile qui a pris fin officiellement le 4 décembre 2008. Le président de la CVR a terminé en réconfortant les citoyens burundais en leur disant de ne pas avoir peur de la vérité, mais d’avoir peur du mensonge et de l’hypocrisie expliquant que le mensonge d’État a tué des milliers d’innocents au Burundi.