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Les changements climatiques, une menace de la vie socio-économique de la population

ByAdministrateur

Juin 27, 2023

BUJUMBURA, 27 juin (ABP) – L’enseignant-chercheur à l’Université du Burundi  et expert en prévention des risques et catastrophes hydrométéorologiques, Dr Athanase Nkunzimana a signalé, au cours d’une interview accordée à l’ABP, que  « les changements climatiques constituent une menace très grave de la vie socio-économique de la population, causée surtout par des activités anthropiques et face à laquelle le pays devrait renforcer la résilience par des actions proactives ».

Il a indiqué que parmi les causes principales des changements climatiques, figure l’élévation de la température moyenne au niveau planétaire. La concentration des gaz à effets de serre dans l’enveloppe atmosphérique contribue au réchauffement planétaire qui est l’origine principale des changements climatiques. Il s’agit également de la dégradation environnementale et de la pression démographique qui est à la base de la destruction massive et de la pollution de l’environnement, a-t-il ajouté.

Au chapitre de l’impact des changements climatiques sur la vie socio-économique de la population burundaise, Dr Nkunzimana a souligné que les changements climatiques affectent beaucoup plus l’économie du pays en général et de la population en particulier. Plus de 90% des Burundais vivent de l’agriculture et le Produit intérieur brut (PIB) en dépend. Lorsqu’il y a des déficits pluviométriques de 2 à 5 mois, l’on observe une diminution sensible des récoltes, a-t-il précisé.

Il a été étayé par M. Tharcisse Ndayizeye, chercheur dans le domaine de l’environnement, qui a signalé que cette diminution de la production due à la présence ou l’absence irrégulière de la pluie, entraîne l’augmentation des prix des denrées alimentaires sur le marché.

Dr Nkunzimana a révélé d’autres conséquences liées aux changements climatiques. Il a cité le déficit hydrologique (cas du lac de retenu de Rwegura en 2007), le tarissement des ressources en eau, les glissements de terrains, les pertes tant humaines que matérielles, la prolifération des maladies inhabituelles, la prolifération d’autres types de moustiques aggravant le paludisme, les maladies pulmonaires dues à la pollution de l’air, les maladies cancérigènes, les naissances prématurées, les avortements, les anomalies chez les nouveau-nés ainsi que la migration à la fois humaine et animale, occasionnant ainsi la perte énorme de la biodiversité.

A ces conséquences s’ajoutent les maladies des plantes. A titre illustratif, la colocase n’est plus cultivée dans certaines régions du pays suite à la maladie qui l’a attaquée pendant la sécheresse de 1999 et 2001. La mosaïque qui attaque le manioc, les maladies des bananiers et bien d’autres, persistent encore. Même la santé animale n’est pas épargnée, a-t-il martelé.

Selon M. Ndayizeye, les changements climatiques engendrent des conflits liés à la rareté des ressources en eau ou en terres. « 1000 enfants naissent par jour en moyenne au Burundi alors que la superficie du pays de 27.834 km2 n’augmente pas », a-t-il révélé, tout en interpellant la population à l’introspection générale. Il a déploré que « les pays pauvres continuent à s’appauvrir, tandis que les pays riches s’enrichissent davantage au dos des victimes suite à des actions menées par leurs industries».

Etant donné que le Burundi dispose de la forêt de Kibira qui capte le CO2 dans l’atmosphère, le chercheur Ndayizeye propose au Gouvernement de revendiquer la mise en application du principe pollueur-payeur, afin que les pays responsables des émissions des gaz à effets de serre récompensent notre pays. Il a également proposé qu’il y ait un Fonds national de riposte aux changements climatiques, avant d’interpeller la population à ne plus construire dans les zones à haut risque.

Les deux chercheurs appellent ainsi à l’adaptation aux changements climatiques, au planning familial, au comportement responsable, à la sensibilité environnementale et à privilégier le transport en commun, les équipements moins énergivores et l’énergie renouvelable, en vue d’éviter de polluer l’atmosphère et l’environnement.

Rencontré à Gatumba en commune Mutimbuzi de la province Bujumbura, le chef du site Kinyinya II abritant 1747 ménages déplacés suite aux inondations, M. Alexis Yamuremye, a déploré la vétusté, l’insuffisance et le débordement des latrines, l’insuffisance de la nourriture ainsi que le manque criant de l’eau, ce qui, selon lui, cause des maladies des mains sales et des infections aux femmes et filles. Il a demandé de vider les latrines déjà débordées et de construire les nouvelles latrines car, a-t-il mentionné, le site dispose actuellement de 90 latrines pour tous les ménages susdits.

Le chef de 10 ménages (Nyumbakumi) à l’avenue du Cinquantenaire du quartier Gaharawe, Mme Judith Nijimbere, hébergée dans une infrastructure de la commune Mutimbuzi affectée également par ces inondations, s’est exprimé : « Nos maisons et propriétés ont été envahies par des inondations et nous ne savons pas à quel saint se vouer. Nous demandons humblement au Gouvernement et aux âmes charitables de voler à notre secours ».

Un autre chef de 10 ménages au site Kinyinya II, M. Charles Nduwimana, a déploré que les conditions de vie sous une tente d’une chambre à coucher et un salon, laissent à désirer. « Nous vivons le célibat car nous dormons ensemble avec nos enfants », a-t-il révélé.

Quant à Mme Sophie Niyonkuru, une des victimes des inondations de Gatumba, elle demande d’augmenter le personnel soignant soulignant que le site est peuplé et que le personnel y affecté travaille pendant la journée seulement.

« A peine nous mangeons une fois par jour car nous n’avons pas des sources de revenus », a déploré une autre femme victime des inondations Mme Jeanine Myandagaro. Les victimes des inondations de Gatumba interviewées par l’ABP, ont été unanimes en plaidant pour la construction d’une digue depuis la rivière Rusizi jusqu’à Vugizo, pour qu’elles puissent retourner chez eux pour poursuivre leurs activités génératrices de revenus. « Nous sommes prêts à être des aide-maçons sans demander ni portion journalière ni récompense, pour que les travaux de construction de la digue soient terminés le plus rapidement possible avant que la pluie ne tombe », ont-elles promis.

L’agricultrice Isidonie Nivyigira rencontrée à Musumba de la commune Musigati en province Bubanza, a indiqué que son champ de cultures s’est glissé en avril 2023 suite à la pression de l’eau souterraine et à l’érosion. Elle a ainsi déploré qu’il y ait une diminution de la quantité de production pour la saison culturale C 2023 suite à l’amenuisement de son champ.

Il sied de signaler que les impacts des changements climatiques affectent tous les secteurs. Les changements climatiques s’opèrent à l’échelle planétaire et sont à l’origine de l’activité humaine, ont souligné les chercheurs Nkunzimana et Ndayizeye.

                                     Vue partielle des inondations à l’avenue du cinquantenaire