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La CVR se concentre sur sept périodes sombres de l’histoire qui ont précédé les événements sanglants de 1972

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Juin 28, 2022

BUJUMBURA, 24 juin (ABP) – La Commission vérité et réconciliation a organisé vendredi 24 juin 2022 une conférence de presse pour présenter ses activités semestrielles.

Selon le président de la CVR, l’Ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye, depuis le mois de janvier 2022, jusqu’aujourd’hui ; la CVR travaille d’arrache-pied pour d’une part approfondir ses enquêtes sur les violations massives des droits de l’homme commises entre 1972 et 1973 et  d’autre part  pour comprendre et décortiquer les arrestations, les assassinats, les massacres et les procès des années 1960 à 1971.

Selon le président de la CVR, comprendre les violations graves qui ont endeuillé le Burundi en 1972 passe par l’analyse des violences des années précédentes. Ce constat s’impose à la CVR aujourd’hui grâce aux résultats des enquêtes en cours et aux révélations des témoins encore en vie sans oublier les archives collectées.  « Ces enquêtes conduisent les enquêteurs dans les provinces où ont sévi les auteurs et les victimes des violences, dans les collines où sont nés les auteurs et les victimes des violences. La commission interroge les archives et les contemporains des victimes et des présumés auteurs pour détecter un lien éventuel entre les violences politiques des années 1960-1971 et le génocide commis contre les Hutus du Burundi en 1972-1973 ». Il a indiqué que  la CVR concentre son travail sur les violences  survenues durant sept périodes à savoir l’ assassinat des syndicalistes des principaux leaders du parti du peuple à Kamenge en 1962, l’ assassinat de Mgr Gabriel Gihimbare en 1964, l’assassinat du premier ministre Pierre Ngendandumwe le 15 janvier 1965, les arrestations, les procès et les exécutions des présumés auteurs de la tentative de coup d’Etat de 1965, les massacres de Busangana de 1965 en province de Muramvya et les représailles exercées sur les populations de Bukeye suite aux tueries des Tusti, les arrestations, les procès et les exécutions des présumés auteurs de la tentative de coup d’Etat de 1969 ainsi que les arrestations et les procès des présumés auteurs de la tentative du coup d’Etat de 1971.

           Vue partielle des journalistes participants

S’agissant de l’assassinat des leaders syndicalistes hutus de Kamenge et des principaux dirigeants du parti du peuple, les enquêtes de la CVR pointent du doigt la responsabilité des militants de la jeunesse nationaliste Rwagasore (la JNR).

Les enquêtes sur l’assassinat du 13 décembre 1964 de Mgr Gabriel Gihimbare, prélat catholique et aumônier militaire natif de la province de Gitega en commune Giheta, sont avancées, selon le président de la CVR. Trois versions sont actuellement récoltées sur son assassinat a-t-dit.

La première dit qu’ il a été tué par un soldat tireur au  grade de caporal qui a cru que la victime était un militaire ennemi venu de l’extérieur du pays, la seconde version dit que Mgr Gihimbare a été tué par un soldat sentinelle lorsque le prélat a ouvert le feu sur une antilope qu’il voulait partager avec sa suite lorsqu’il se rendait dans un camp militaire de Kirundo pour dire adieu aux soldats à la veille du début  ses nouvelles fonctions à l’évêché de Gitega et  la troisième version soutient que Mgr Gihimbare a été délibérément assassiné sur instigation de ceux qui n’étaient pas favorables à cette nomination.

Les enquêtes sur l’assassinat du premier ministre Pierre Ngendandumwe, le 15 janvier 1965, sont également à un stade satisfaisant, selon lui. Le 17 janvier 1965, l’assassin de nationalité rwandaise, Muyenzi Gonzalve, a été arrêté ainsi que quelques présumés auteurs burundais occupant des responsabilités importantes dans l’appareil politico-administratif de l’Etat.

Quand l’affaire a été portée devant les différentes juridictions, les juges ont conclu à l’impréparation des dossiers et à l’absence d’éléments solides. Les prévenus furent remis en liberté et Muyenzi l’assassin présumé quitta à jamais le Burundi.

Selon le président de la CVR, la vérité sur l’assassinat de Ngendandumwe sort lentement mais sûrement des archives de l’histoire, des auditions des membres de sa famille, des anciens officiers gendarmes qui l’ont connu et par des visites dans Kanyinya à Kirundo où il est né.

S’agissant de la tentative de coup d’Etat dans la nuit du18-19octobre 1965, les témoignages et archives parlent d’un groupe d’insurgés qui aurait attaqué le domicile du premier ministre Léopold Biha. Ce dernier fut criblé de balles et fut laissé pour mort. Un autre groupe aurait attaqué le palais du Roi Mwambutsa.

Dans la matinée du 19 octobre 1965, le capitaine Micombero, secrétaire d’Etat à la défense a annoncé qu’un putsch venait d’être déjoué et que la situation était totalement sous contrôle. Les enquêtes dont dispose la CVR révèlent que ces violences ont été entourées de non-dits, selon l’ambassadeur Pierre Claver Ndayicariye. Les personnes exécutées furent d’abord les militaires et les gendarmes hutu accusés d’avoir participé au coup d’Etat. Ensuite une parodie de justice expéditive inculpa exclusivement plusieurs autres civils et militaires, tous Hutu membres du parlement ainsi que les dirigeants du parti du peuple (PP) et les syndicats chrétiens.

La CVR dispose sur ce dossier d’une lettre du gouverneur de Gitega datée du 16 mars 1966 en réponse à son ministre de l’intérieur, qui montre l’ampleur des emprisonnements et des atrocités à Gitega, et qui s’accompagnaient des spoliations de biens des victimes. L’objet de la lettre était « Personnes tuées sur collines, exécutées et celles encore en détention suivant les événements du 19 octobre 1965 ».

Le gouverneur de Gitega répondait à une lettre du ministre de l’intérieur du 4 mars 1965, par laquelle il demandait à tous les gouverneurs de province de lui transmettre « le recensement exact des personnes tuées sur les collines, exécutées suite au jugement numéro RMP35316/SL/NA-RCG no 1/65, des personnes actuellement détenues dans la prison pour la même cause »

Quant aux massacres de Busangana de 1965, plusieurs personnalités assassinées après cette tentative de coup d’Etat de 1965 provenaient de cette région de Busangana fief du leader Paul Mirerekano.

Selon M. Ndayicariye ; les enquêtes de la CVR sur Busangana avancent vers la clarification et les tenants et les aboutissants de ces violences.

Quant à la tentative de coup d’Etat de 1969, le pouvoir du président Miche Micombero a parlé d’un complot visant à renverser son pouvoir. Quelques officiers militaires dont les commandants Bazayuwundi, Karorero et Katariho rentrés de Belgique furent arrêtés, jugés et exécutés.  67 personnes civils et militaires hutu furent jugées, 25 parmi elles à une peine capitale.

Le président de la juridiction militaire qui a prononcé les condamnations n’est plus ; il s’agit du commandant Damien Nkoripfa et le procureur général qui a instruit l’affaire vit en France, il s’agit de l’ancien ministre Gabriel Mpozagara que la CVR tentera d’auditionner au cours des semaines prochaines, selon l’ambassadeur Ndayicariye.

S’agissant de l’affaire Jérôme Ntungumburanye ou la tentative de coup d’Etat imputée aux Batutsi Banyaruguru ; elles etaient majoritairement originaires de Muramvya et de Jenda. La proximité du dossier avec les violences de 1972-1973 oblige la CVR à plonger ses enquêtes dans les antichambres des arrestations du 6 juillet 1971, d’après le président de la CVR.

Le procès conduit par Kayibigi le 24 janvier 1972 déboucha sur de lourdes peines mais, le président Micombero a fini par gracier les condamnés ce qui a suscité beaucoup d’inquiétudes dans l’opinion nationale et internationale et a laissé un sentiment de malaise et une impression du « deux poids deux mesures ».